L’assurance maladie est dans le rouge depuis de trop nombreuses années. Il faut trouver des coupables. Ce sont ces parasites crapuleux, celles et ceux qui bénéficient sans vergogne des certificats de complaisance d’arrêt de travail mais aussi et surtout tous ces étrangers qui viennent piller notre Sécu. Vaillamment la droite s’attaque à ce scandale.
Par Jean-Paul Briand.
Dans son ouvrage « La Violence et le sacré », le philosophe René Girard explique que pour masquer ses échecs ou résoudre des crises, il est fréquent, voire logique et nécessaire, de s’acharner sur des individus innocents, dans l’incapacité de se défendre, sur lesquels l’on peut faire retomber toutes les responsabilités. Historiquement, le Juif a longtemps eu cette dramatique vocation de bouc émissaire. Depuis quelque temps, l’immigré, surtout si son pays d’origine est de l’autre côté de la Méditerranée, tient efficacement ce rôle.
Dans le cadre de sa relecture critique du projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », le Sénat a adopté 71 amendements. Ils ont pour objectif de « muscler les dispositions allant dans le bon sens, à supprimer celles relevant d’une pure logique d’affichage et à combler les manques de ce projet de loi » nous expliquent le débonnaire président de la commission sénatoriale des lois, François-Noël Buffet (sénateur Les Républicains du Rhône), accompagné de ses bienveillants rapporteurs Philippe Bonnecarrère (Union Centriste du Tarn) et Muriel Jourda (sénatrice Les Républicains du Morbihan).
Alors que le rapport de l’IGAS confirme que le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat (AME) reste stable autour de 320 000 personnes et que les crédits alloués représentent moins de 0,5 % des dépenses de santé, le Sénat persiste à vouloir « opérer une réforme structurelle de l’AME ». En dépit du rejet par des milliers de soignants et des nombreuses mises en garde des ministres tels qu’Olivier Véran, l’actuel porte-parole du gouvernement et neurologue, ou Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé et hématologue, les sénateurs de droite veulent transformer l’actuelle AME en une aide médicale d’urgence (AMU). Cette AMU n’autorisera une prise en charge que lorsque le pronostic vital sera engagé et sous réserve « de s’être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge, d’un droit annuel dont le montant est fixé par décret ».
Comment accepter de différer des soins à de pauvres bougres tant que leur vie n’est pas en danger ? Tristes sires que ces élus dont l’éthique s’arrête à nos frontières. Leur peur de l’étranger est si forte qu’elle efface toutes capacités d’assistance, de compassion ou de générosité. Pour eux un Français gravement malade est sans doute un malheur voire une tragédie mais pour un étranger ce n’est qu’une statistique et une somme d’argent indûment dépensée.
Il serait bon que les sénateurs s’inspirent du petit livre de Stéphane Hessel « Indignez-vous ! », publié en 2010, dans lequel il rappelle les valeurs et principes inscrits dans le programme du conseil de la Résistance qui a crée notre Sécurité sociale : « De ces principes et de ces valeurs, nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin. Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner si nous avions été les véritables héritiers du Conseil national de la Résistance ».
Le ministre d’Etat, Guy Mollet, nous avait prévenus dès 1957 : « La droite française est la plus bête du monde ». Aujourd’hui il aurait pu ajouter : « … et la moins fraternelle ».
« Quand la haine des hommes ne comporte aucun risque, leur bêtise est vite convaincue, les motifs viennent tout seuls » Céline (Voyage au bout de la nuit)
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