Anna Novion nous raconte une belle histoire de mathématiques, ou plutôt de mathématicienne. Ella Rumpf incarne minutieusement cette Marguerite qui devient une grande dame des maths après quelques déboires désopilants. Plein de sens et d’humour derrière ses évidences, cette histoire emporte avec plaisir dans le monde des équations !
Par Bernard Cassat.
Ella Rumpf en Marguerite. Photo ts-productions Michael Crotto
Les maths sont assez peu photogéniques. Il n’empêche, Anna Novion en a fait le moteur de son dernier film. Même plus que le moteur. Elles entrent dans l’image et deviennent un élément de la déco, définissent une esthétique visuelle tout à fait impressionnante. La manière de filmer des tableaux, des développements d’équations et l’envahissement de l’image par des algorithmes qui saturent le regard expriment parfaitement l’ambiguïté que l’on a par rapport aux mathématiques : la difficulté de compréhension, mais en même temps une grande attirance pour l’intelligence et la rigueur infaillible contenue dans les équations. Même sans suivre les raisonnements, le commun des mortels est séduit comme on peut l’être par un beau langage. C’est une première ligne de force du théorème.
Marguerite et son directeur de thèse, Jean-Pierre Darroussin. Photo TS Production Michael Crotto
La deuxième, c’est Marguerite, jeune doctorante de l’ENS, petit génie en son domaine mais pas vraiment épanouie. Véritable cliché de la grosse tête quasi sans corps, Marguerite n’a pas d’autres dimensions que celle des mathématiques. Or pour qu’il y ait histoire, il faut qu’il y ait dérapage. En l’occurrence, c’est une faute de raisonnement qui rend faillible la rigueur. Une erreur dans les maths. Qui implique que toute sa thèse est fausse. Qui la décourage. Et, vu son caractère aussi entier que les nombres qu’elle interroge, elle quitte tout et nage dans les eaux inconnues pour elle de la vie réelle. Le film est la longue boucle de Marguerite hors de l’Ecole Normale.
Des aventures rocambolesques
Qui lui fait vivre des situations rocambolesques qu’Anne Novion et son scénariste Mathieu Robin traitent avec beaucoup d’humour. Enfermée dans son esprit logique, Marguerite est drôle à son insu tant la caricature ressort même quand il faudrait la cacher. Puisqu’elle veut se noyer dans la vie ordinaire, ses capacités et son attitude rigide créent un conflit entre sa pensée et l’extérieur. Il va lui falloir des efforts considérables, des rencontres et des hasards pour arriver à se sortir d’elle-même.
En pleine partie de Mahjong. Photo TS Production Michael Crotto
Sa nouvelle colocataire va beaucoup l’y aider. Presque son inverse, très extravertie et simple dans ses relations, elle l’emmène dans des clubs de danse, et surtout lui fait découvrir le milieu du 13e arrondissement où elle habite. Elle découvre l’orgasme dans une scène peu ordinaire et d’une drôlerie dans le ton de ce film pince sans rire. Et par hasard, Marguerite découvre le jeu de Mahjong. En bonne matheuse, elle en devient vite experte et gagne beaucoup d’argent. Mais surtout, le jeu la ramène aux maths. Elle s’y atèle de nouveau, à cette fameuse conjecture de Goldbach.
La troisième partie du film la replace dans le milieu des mathématiciens. Elle arrive enfin à travailler avec Lucas, son collègue et compétiteur. C’était un peu vu d’avance : le film développe leur relation sans étonner mais sans lasser, avec des astuces humoristiques de parcours qui pimentent l’histoire, des péripéties bien menées par un scénario simple mais efficace. Et tout cela conduit à une happy end attendue.
Avec son partenaire Lucas, joué par Julien Frison. TS Production Michael Crotto
Reste que les formules mathématiques, supervisées par Ariane Mézard, prof à l’ENS et conseillère sur le film, sont le troisième personnage de ce film. Ella Rumpf dans le rôle de Marguerite le porte magnifiquement sur ses épaules. Et son partenaire Julien Frison dans celui de Lucas colle à merveille avec son personnage. Film léger, fluide et mouvementé, Le théorème de Marguerite s’amuse des mathématiques et surtout de ceux qui la pratiquent.