Morts, les arbres deviennent sculptures au pied de la cathédrale de Bourges

A Bourges, dans le jardin de l’archevêché et place du Cardinal Joseph Lefebvre, un vénérable érable et un hêtre tout aussi âgé avaient subi les affres de la sécheresse et de la vieillesse réunies. Ils vont retrouver une nouvelle vie de sculptures urbaines. Comme quoi, la candidature pour le titre de capitale européenne de la culture ; ça peut donner des idées…

Par Fabrice Simoes

Des branches resteront au sol pour alimenter le cycle de la flore. Photo Catherine Belon-Barbier


On aura beau chanter à tue-tête, avec ou sans guitare pour s’accompagner – « auprès de mon arbre je vivais heureux, j’aurais jamais dû m’éloigner d’mon arbre…
 » – quand les bouts de bois sont secs comme des coups de trique, ça vaut pas, ça vaut plus. Même en chantant juste, on ne pourra pas empêcher les inconvénients de l’urbanisation, les aléas climatiques, les sécheresses à répétition. A Bourges, dans le jardin de l’Archevêché et place du Cardinal Joseph Lefebvre, deux arbres qui auraient connu pas moins de trois républiques sont morts et ceux qui vivaient heureux auprès d’eux en sont fort marris.

En période de Toussaint, on pourrait les honorer comme des humains, simplement avec un pot de chrysanthème, un passage à la cathédrale Saint-Étienne toute proche pour marquer le coup et allumer un cierge à la mémoire des disparus. On pourrait les débiter pour une vie de planche. On pourrait les tronçonner pour en faire du bois de chauffage. L’érable possède d’ailleurs un bon coefficient calorifique, un peu inférieur à celui du hêtre tout de même. Que nenni, à Bourges, candidate à devenir capitale européenne de la culture, on en a décidé tout autrement…

Dix ans pour des sculptures pas si éphémères que ça

Sans aller jusqu’à l’emphase de Kipling, « Tu seras un homme, mon fils », les responsables de la ville de Bourges ont décidé que les arbres deviendraient sculptures. Un quelconque autochtone aurait rajouté : « Et pi pas pu… » Cette nouvelle vie sous une nouvelle forme sera cependant plus éphémère que la précédente. On estime qu’elles devraient tenir ainsi pendant cinq à dix ans. Les nostalgiques des stères de bois de chauffage devront donc patienter un peu. Abattre un arbre, dans un cœur de ville où ils ne sont pas si nombreux, est toujours une source de discussions et de palabres même si le végétal est déclaré « mort ». Cependant, à part quelques commentaires sur le coût présumé du débitage, du tas de sciure de bois et des bûches aussi, les Berruyers n’ont pas rejeté l’idée.

Si un sycomore et un bouleau ont déjà été abattus dans le square, voilà quelque temps, c’est un sculpteur d’arbre qui s’est attelé à la tâche, une tronçonneuse en guise de ciseau à bois. Alors que l’érable ciblé, dans le jardin de l’Archevêché, devrait être sculpté à la mi-novembre, en premier lieu le hêtre a été attaqué à sa base, pile-poil à côté d’un massif de chrysanthèmes. Le tronc de l’arbre se séparait en deux, et une opportunité de créer autour de ces deux branches. L’une, laissée brut d’élagage, deviendra perchoir pour oiseaux, ou pas. Les oiseaux décideront. L’autre est désormais totalement sculptée. Une option volontaire de l’artiste pour jouer avec les contrastes entre les deux parties tout en respectant la seule contrainte imposée par la mairie : rappeler la candidature de Bourges pour devenir capitale européenne de la culture.

Un côté perchoir, un côté sculpture. C’est le choix de l’artiste. Photo Catherine Belon-Barbier

Une manière d’interpeller sur le réchauffement climatique

Les deux arbres morts, nouvelles sculptures, peuvent aussi interpeller quant au réchauffement climatique et ses répercussions sur le vivant et la flore. Depuis 2016, le hêtre, entre autres, dépérissait au rythme des canicules successives. L’application des arrêtés préfectoraux sur les usages de l’eau n’a pas aidé à une possible survie. L’arrosage automatique avait, par exemple, été supprimé… L’élue Europe Écologie-Les Verts, adjointe au maire, Catherine Menguy ne l’a pas caché. A France Bleu Berry, elle expliquait : « Cet arbre est mort à cause de l’urbanisation, à cause du réchauffement climatique. Et dans sa mort, il vient nourrir un cycle de vie. C’est pour cela qu’on a laissé des choses en place à ses pieds. »

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Capitale européenne de la culture : Bourges dans le dernier carré

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