« La Compagnie Un Temps », basée dans l’Indre, met en scène la tragédie de Racine dans un format revisité où le comique pointe à l’horizon. Elle était, il y a peu, en résidence à l’espace George Sand à Chécy. Nous l’avons rencontrée à sa sortie.
Par Bernard Thinat
Installée depuis maintenant trois années à La Châtre, cette jeune Compagnie animée par Anne-Gaëlle Jourdain en est à sa seconde création, après une adaptation musicale de « l’Homme qui rit » de Victor Hugo qui sera donnée bientôt à la Maison d’Arrêt de Bourges. De formation comédienne, Anne-Gaëlle est aussi metteuse en scène, autrice et actrice au cinéma. A la question de savoir ce qu’elle préfère, elle répond « qu’elle aime le temps qu’on accorde à la recherche au théâtre et l’intensité et la concentration qu’on trouve au cinéma. Mais le rapport au public au théâtre est fantastique », ajoute-t-elle.
Bérénice et Titus – Photo Compagnie Un Temps
Venant du théâtre burlesque, elle a tendance à lire des tragédies avec des accents comiques. Elle a donc « inventé une forme qui permette de recontextualiser la pièce, et même de faire un parallèle avec l’actualité ». Car, précise-t-elle, « pendant l’intrigue de Bérénice, on est à l’époque de l’empire romain qui est à la recherche de la toute-puissance. Or, dit-elle, et l’histoire le confirme, dès qu’un état se dirige vers la toute-puissance, cela provoque de la division et beaucoup de malheurs. La pièce fait état de cela : il s’agit d’un dilemme entre une cause collective à la recherche d’une domination et un destin individuel pris dans cet étau. Dans Bérénice, on traite le rapport à l’étranger, à l’altérité, à ce qui n’est pas comme nous », conclut-elle.
Anne-Gaëlle Jourdain, actrice et metteuse en scène, à droite – Photo B.T.
Anne-Gaëlle Jourdain considère alors que « tout ce qui empêche une mécanique de rouler est comique par essence. Au théâtre, tout ce qui grippe la mécanique, tout ce qui est accident, crée du comique ». Dans Bérénice « version Anne-Gaëlle Jourdain », il y a donc le texte de Racine, épuré, et des saynètes écrites par la metteuse en scène qui cohabitent, avec deux langages, celui de Racine, en alexandrins, et la langue contemporaine. On n’en dira pas plus, sauf que des figures du XXème siècle, les unes pacifistes, d’autres beaucoup moins recommandables, apparaissent ici et là.
Le spectacle en cours de diffusion, soutenu par la DRAC, la Région Centre-Val de Loire, le Conseil départemental de l’Indre et la mairie de La Châtre, sera présenté au théâtre Beaumarchais d’Amboise le 15 mars 2024, et le 22 mars au Théâtre Maurice Sand à La Châtre. A vos agendas !
En sortie de résidence
En soirée, le spectacle était donné à l’Espace George Sand à Chécy dans une version des 30 premières minutes, devant un public très attentif. On remarquait surtout dans les trois rôles principaux, Grégoire Tachnakian excellent dans le monologue d’Antiochus, Stéphane Szestak dans le rôle d’un Titus devenu empereur, mais tiraillé entre sa fonction et celle qu’il aime, mais ne peut épouser, et Anne-Gaëlle Jourdain interprétant une douce Bérénice, aimante et néanmoins perdue devant l’attitude de Titus.
On regrettera cependant la distance entre le plateau de l’espace George Sand et le public, spectacle qui, me semble-t-il, requiert une sorte d’intimité entre les artistes et les spectateurs.
Distribution
Titus : Stéphane SZESTAK
Bérénice : Anne-Gaëlle JOURDAIN
Phénice : Hortense MONSAINGEON
Paulin : Nicolas CARTIER
Antiochus : Grégoire TACHNAKIAN
Adaptation et mise en scène : Anne-Gaëlle JOURDAIN
Assistanat : Elisabeth HÖLZLE
Technique : Emmanuelle PETIT
Le site de la Compagnie
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