La Scène nationale a présenté le spectacle de Claire Diterzi « Puisque c’est comme ça, je vais faire un opéra toute seule ». Une soprane-actrice nous relate la création par Anya de son opéra. Héritière d’une lignée de musiciens russes qui ont laissé de lourdes traces, et ne manquant ni d’imagination, ni de facilité en musique, elle se confronte à ses aïeux dans un défi frondeur.
Par Bernard Cassat.
Anya dans sa chambre. Photo Olivier Tousis
Le décor simple réduit considérablement l’espace de la scène. Le public rentre en salle comme s’il entrait chez Anya. Elle est déjà là, dans sa chambre, à jouer sur un piano miniature, dos au public. Comme une petite fille gentille, qui, au moment voulu, se retourne, se lève, se présente et discute avec le public. La force de Claire Diterzi a été d’ancrer son spectacle dans les expériences du jeune public. En parlant musique. Parce qu’Anya, le jeune personnage joué par Anaïs De Faria, est musicienne. Et entre musiciens, on se comprend, on s’écoute, on s’admire.
En pleine crise d’adolescence, Anya rembarre ses parents qu’on entend l’appeler, s’enferme dans sa chambre pour composer un opéra vengeur. Qui part de l’histoire de sa famille, des ancêtres musiciens illustres, russes comme il se doit. En commençant par de magnifiques cris d’oiseaux, qu’elle module comme si, en musicienne qu’elle est, elle analysait les notes chantées.
Le poids de l’héritage russe
Puis elle commence réellement son opéra, très classique et très au point. Sur des musiques enregistrées, Anaïs de Faria déploie sa voix de soprano dans des arias techniquement difficiles. Sa voix intérieure, fil du spectacle, prend l’accent russe de sa grand-mère pour raconter le grand livre qui s’illumine quand elle l’ouvre, et les péripéties contenues dans la malle. Plus tard, elle explore les mystères des objets trouvés chez sa Baba Yaga. Tout en chantant, bien sûr, puisqu’elle est en train de créer son opéra.
Un conte musical finalement très sage
Car on y est, Anya/Anaïs nous entrainent vraiment dans l’atmosphère musical de l’opéra. Peut-être trop. Claire Diterzi a fait beaucoup de choses dans sa vie créative, notamment de la musique électrique avec des groupes rock qu’elle a montés et fait vivre. Ce conte musical d’un opéra créé par une petite fille en pleine révolte ado est très sage. Sa révolte, justement, dite au début, est mise de côté par le classicisme des airs chantés. Un peu de violence sonore, du rythme plus dansant aurait sans doute rehaussé cette histoire attachante mais un peu terne. Pourtant Anaïs porte bien le personnage d’Anya, et sa voix limpide sonne comme sous les ors d’un opéra du XIXe.
Anaïs De Faria dans le rôle d’Anya. Photo J.M. Lobbe
Le jeune public des trois représentations dans la salle Vitez du théâtre, comble à chaque fois, a très bien marché. Cet opéra qu’elle fait « toute seule », c’est sans doute ce dont rêvent les petits spectateurs initiés à la musique. En cela, le spectacle fonctionne parfaitement. Le voyage initiatique est plus fort que la révolte. Gageons que quelques-uns des jeunes du public proposeront bientôt leur propre opéra, plein de guitares électriques et de musique électro…
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