Le domaine national de Chambord entend gérer sa forêt de façon écoresponsable. Avec un partenaire certifié, il va proposer des crédits carbone aux entreprises. Une démarche innovante pour renforcer la biodiversité.
Par Jean-Luc Vezon.
Nouveau directeur général de la réserve nationale de faune et de flore sauvage, Pierre Dubreuil entend faire franchir une étape à Chambord et en faire une référence nationale en matière de biodiversité. Le nouveau projet d’établissement 2025-2030 doit la mettre ainsi au cœur de la stratégie de développement du domaine qui a reçu 1 053 943 visiteurs en 2022.
« Nous souhaitons moderniser et améliorer notre gestion forestière pour la rendre plus durable. Alors que 40 % des arbres risquent de dépérir, menacés par le changement climatique, il nous a semblé opportun de mener une expérimentation sur 20 % des arbres soit 4 280 hectares qui ne seront pas commercialisés et auront vocation à séquestrer le carbone », souligne le directeur.
Chambord valeur d’exemple
La start-up La Belle Forêt a été choisie, sur appel d’offres européen, pour conduire ce programme qui s’étalera sur 5 ans. Concrètement, dans le cadre de son plan forestier, Chambord va renoncer aux coupes de bois sur 811 ha (soit 138 placettes référencées). La mission de l’entreprise sera de commercialiser ces 18 075 tonnes de CO2 pour le compte du domaine sous forme de crédit carbone biodiversité. Ses cibles seront les entreprises ayant une obligation réglementaire de baisse de leurs émissions dans le cadre de leur RSE.
« La biodiversité sera l’indicateur qualité du carbone séquestré. Chambord s’est engagé sur 10 règles fondamentales que nous allons mesurer selon 60 critères dotés de coefficients de 1 à 3 », souligne Philippe Gourmain, ingénieur et expert forestier, l’un des trois dirigeants de cette jeune entreprise innovante. Parmi ces critères, citons l’interdiction des coupes rases de plus de 1 ha, des gros travaux lourds, une régénération naturelle diversifiée, le maintien des arbres morts ou d’îlots de sénescence.
« Notre approche est celle de la sylviculture mélangée à couvert continu qui cherche à optimiser le traitement des écosystèmes forestiers afin qu’ils remplissent leurs fonctions durablement » ajoute Philippe Gourmain en précisant que les sociétés qui achèteront des crédits carbone forêt de Chambord seront informées en toute transparence sur la gestion des parcelles.
Alors qu’un Français émet 9 à 10 tonnes de CO2 par an, la démarche innovante du domaine national de Chambord devrait sans doute faire école. La Belle Forêt, qui propose déjà des crédits carbone au sein de 70 forêts (30 000 ha), est convaincue qu’un changement de modèle est possible.
Reste à savoir si les forestiers s’engageront dans cette voie de gestion écologique, élément de notre neutralité carbone. En attendant, pour leur part, les 150 espèces d’oiseaux du domaine, dont certains sensibles au déboisement comme le balbuzard ou la cigogne noire, en seront les premiers bénéficiaires.
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