Loiret: Aviatrices et avions d’hier et d’aujourd’hui

Les 23 et 24 septembre 2023, l’aérodrome de Saint-Denis-de-l’Hôtel a mis à l’honneur les femmes de l’air de toutes les époques. Sur le tarmac, mais aussi au sein du hangar Adrienne Bolland, l’une des pionnières de l’aviation, originaire du Loiret. 

Par Sophie Deschamps

Christine Debouzy, pilote de Boeing et d'A380

Christine Debouzy, pilote de Boeing et d’A380 dans le hangar Adrienne Bolland à Saint-Denis-de-l’Hôtel. Photo SD


Le Festival de Loire a malheureusement fait de l’ombre à cette belle journée consacrée aux aviatrices et à leurs engins volants, des plus anciens aux plus actuels. Pourtant, l’Association française des femmes pilotes (AFFP) s’était donné du mal pour mettre en avant les femmes pilotes de jadis et d’aujourd’hui. À l’instar de sa présidente Christine Debouzy dont les références sont prestigieuses : diplômée de l’ENAC en 1978, elle est la 5e femme pilote de ligne à intégrer Air France en 1985. Dans les années 90 et 2000, elle a été commandante de bord de gros avions de ligne : Boeing 727, 737 et 747 entre 1993 et 2001. Elle sera d’ailleurs la première commandante B747 à se poser à Cuba en 2003.

Cerise sur le gâteau, elle a passé les dix dernières années de sa carrière aux manettes de l’imposant Airbus 380, plus grand avion de ligne au monde, qu’elle a été la troisième femme à piloter : « J’ai vu une énorme évolution de l’aviation entre les premiers Boeing classiques où l’on faisait tout et les Airbus très novateurs où l’on pilotait à travers les ordinateurs. Du coup on fait moins de choses. Mais c’était néanmoins très surprenant au début parce que le pilote doit chercher s’il y a une erreur, donc il surveille l’avion sans arrêt. Et sur des heures de vol, c’est fatigant. »

Un tapis de mouettes à Alger pour Christine Debouzy

Ce qui ne l’a pas empêché d’avoir parfois des frayeurs : « C’est arrivé notamment sur le Boeing 727 à Alger avec des oiseaux. On a eu un tapis de mouettes au décollage. C’était déjà trop tard pour s’arrêter sur la piste. Nous avons dû quand même décoller. Le Boeing 727 avait trois moteurs collés sur la queue, un de chaque côté et un au-dessus. Du coup, les oiseaux ont cassé le moteur latéral droit. Les passagers n’ont rien eu mais ils ont entendu du bruit et ils ont eu peur. Mais, nous avons fait comme on nous apprend avec les simulateurs de vol au sol. Nous sommes allés vidanger du kérosène sur la mer et nous sommes revenus nous poser sur la piste. Tout s’est bien passé. Donc là, il faut garder son sang-froid mais nous sommes entraînés pour cela. »

Un milieu machiste durant de longues années 

Bien sûr, elle a eu du mal à se faire une place dans ce monde d’hommes : « J’étais furieuse en sortant de l’ENAC parce que les deux premiers boulots que je convoitais, ce sont des hommes qui me les ont piqués. Mais du coup cela m’a permis de faire de nombreuses expériences enrichissantes. Lorsque j’ai travaillé dans l’aviation d’affaires au Bourget, j’étais une concurrente pour beaucoup de ces messieurs. J’ai tout entendu notamment que j’étais une travestie. Des collègues sont aussi allés voir le patron en protestant : vous vous rendez compte, si mon épouse apprend que je pars huit jours avec une femme, elle ne me laissera plus partir. Alors, j’ai rassuré le patron en lui disant avec humour : je ne compte pas avoir des relations sexuelles avec tous les pilotes de la compagnie, ça serait une faute de goût ! »

Les femmes ont donc dû se battre. En effet, c’est seulement en 1973 que l’AFFP a réussi à faire abroger le décret qui interdisait aux femmes la formation de pilote de ligne. Pour celle de pilote de chasse, les femmes ont dû attendre 1996 et encore ils ne prennent que 3 femmes pour 63 hommes. Toutefois l’armée de l’air fait aujourd’hui de gros efforts de féminisation. C’est ainsi que la colonelle Solène Le Floch est devenue première femme Commandante de la base militaire aérienne d’Évreux en septembre 2021.

Restauration d’un Caudron G3, l’avion d’Adrienne Bolland

Côté passé, de grands panneaux ont permis de découvrir les pionnières de l’aviation, célèbres en leur temps mais aujourd’hui méconnues : Maryse Hilsz, Maryse Bastié, Hélène Boucher, Bessie Coleman et bien d’autres. Et bien sûr la Loirétaine Adrienne Bolland, première femme à traverser la Cordillère des Andes en 1921 à bord d’un Caudron G3. L’un des premiers monomoteur de l’aviation française, très utilisé pendant la Première Guerre mondiale et ce dès 1916.

Justement une belle surprise était à découvrir sous le hangar Adrienne Bolland. En effet, Antoine Ross, membre du Piper Club France a commencé la restauration d’un authentique Caudron G3 retrouvé dans le hangar d’un médecin. Les passionné.e.s ont donc pu découvrir pour la première fois la carcasse de cet avion mythique de la guerre 14-18. Une “cage à poule” (voir photo ci-dessous) comme on dit dans le milieu de l’aviation de bois, de métal et de toile qui donne des frissons quand on réalise qu’Adrienne Bolland l’a fait monter jusqu’aux 4 400 mètres par un froid glacial.

Antoine Ross et son projet de restauration d'un Caudron G3.

Antoine Ross et son projet de restauration d’un Caudron G3. Photo SD


Pour Antoine Ross « la restauration de cet avion est très importante car il ne subsiste que dix G3 sur les 5 000 produits par les usines Caudron au début du 20e siècle. 9 sont exposés dans des musées. Ils n’ont donc pas vocation à voler. Le mien, je le restaure au contraire pour le piloter ». Il faudra toutefois être patient car cette restauration va lui demander environ 6 000 heures de travail sur son temps libre. Soit entre 5 et 10 ans avant de le voir décoller d’une piste.


Pour aller plus loin sur Magcentre : Adrienne Bolland, libre sur terre comme dans les airs

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