Les ratés de l’assistance médicale aux étrangers dans le Loiret

Pierre, bénévole bien connu près d’Orléans consacre une partie de sa retraite aux autres. Il aide ainsi de jeunes étrangers à s’y retrouver dans les dédales de l’administration française. Il y perd parfois lui-même son latin et… son calme, notamment vis-à-vis de la Sécurité sociale qui attribue la fameuse aide médicale d’État. 

Par Sophie Deschamps

Locaux orléanais de la CPAM du Loiret. Photo Jean-Paul Briand


Nous avons toutes et tous été confronté.e.s un jour ou l’autre à des démarches administratives compliquées. Alors que dire lorsque c’est un migrant qui doit s’y coller. Une situation que connaît bien Pierre. Retraité, il est bénévole dans un atelier d’alphabétisation près d’Orléans. C’est là qu’il a fait la connaissance d’un jeune africain.

Nous l’appellerons Ousmane. Ce jeune Peul de 26 ans est arrivé seul de Guinée Conakry en France en mars 2018. Il a bénéficié de la Complémentaire santé solidaire (ex CMU-C) jusqu’à fin février 2020.

Victime d’une tumeur bénigne aux intestins

Puis un médecin d’Oréliance diagnostique fin 2020 chez Ousmane une tumeur aux intestins, certes bénigne mais très douloureuse. Une situation qui aurait dû lui permettre d’obtenir une carte de séjour temporaire pour cause de maladie. Toutefois, la préfecture du Loiret refuse de délivrer le document car comme l’explique Pierre, « un médecin de l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) a estimé que son cas n’était pas d’une exceptionnelle gravité et qu’il pouvait retourner dans son pays ». Pourtant, après de nouveaux examens au CHRO en février 2021, il est opéré d’urgence en mai.

Mais en l’absence de cette carte de séjour, la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) du Loiret refuse le 11 janvier 2021 le renouvellement de sa complémentaire santé solidaire. Aussi une première demande d’Aide Médicale d’État (AME) est déposée. Une aide qui facilite l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière et que la Sécurité sociale lui accorde pour une durée d’un an et renouvelée en 2022. 

Pris dans l’imbroglio administratif de la CPAM

C’est alors que selon Pierre, la situation devient kafkaïenne. Il qualifie d’ailleurs ses démarches auprès de la CPAM de « pérégrinations en Absurdie ». En effet, peu avant Noël, Ousmane dépose un dossier de renouvellement de sa carte AME qui expire le 4 mars 2023. Mais début février, il perd le précieux document. Il envoie alors un courrier à la CPAM pour la prévenir tout en précisant qu’un dossier de renouvellement est en cours d’instruction. Sans nouvelles, il compose le 3646 le 6 mars 2023 avec cette réponse pour le moins étonnante : « Dossier complet mais non traité car arrivé trop tôt (sic) à la CPAM. » Il doit alors déposer une nouvelle demande, la même donc, et surtout il n’a jamais été informé de cela.

Toujours avec l’aide de Pierre, Ousmane s’exécute le 8 mars 2023. Mais rien ne vient. Une lettre de protestation est alors envoyée à la directrice de la CPAM. Là encore silence radio. Le 13 mars 2023, Ousmane reçoit un courrier l’informant de la mise à disposition d’une carte 2022 rééditée, valable jusqu’au… 5 mars 2023 et donc périmée. 

Mieux, le 4 avril 2023 un nouveau courrier de la CPAM lui demande un complément d’information, information déjà indiquée sur la demande du 8 mars 2023.

Le 13 avril 2023, nouvel appel au 3646. L’interlocutrice convient que le dossier reçu est bien complet. Mais après consultation de son supérieur, elle demande l’envoi de l’attestation 2023 des Restos du Coeur où Ousmane œuvre en tant que bénévole. Attestation envoyée le 17 avril.

Le 25 mai 2023, nouvel appel au 3646. Au bout du fil, l’agent de la CPAM refuse tout d’abord de renseigner Pierre. Ce dernier insiste, argumente et finit par savoir que la carte est accordée.

Le 31 mai 2023, un courrier de la Sécu indique que la carte est disponible. Mais elle démarre le 5 mars 2023 (sic)

Réponse générale de la CPAM

Contacté par téléphone sur cette situation ubuesque, Christophe Cailloux, attaché de direction nous a envoyé la réponse générale suivante, dont voici les principaux points :

« Bien entendu, il ne s’agit pas ici de traiter un cas particulier mais de préciser le circuit général d’attribution de l’AME.

L’AME est accordée pour une année à la date de dépôt, même si le dossier est incomplet. En effet, même s’il y a plusieurs échanges de courriers entre le service AME et le demandeur, la date de début d’accord sera la date de dépôt.

A titre indicatif le délai d’instruction des demandes d’AME est inférieur à un mois. »

Dans le cas cité, le traitement du dossier a duré près de trois mois. 

« En cas de demande de renouvellement, le dossier doit être déposé ou envoyé, dans les 2 mois précédant l’expiration du droit. »

Dans le cas cité, le dossier a été déposé peu avant Noël dans la boîte aux lettres de la CPAM. Il aurait dû être déposé le 4 janvier, soit une différence seulement de quelques jours. 

« En cas de perte ou vol de sa carte AME, pendant un droit en cours, une attestation sur l’honneur de perte ou vol doit être déposée pour obtenir un duplicata de carte AME. Malgré le fait que le bénéficiaire de l’AME n’a plus de carte, s’il a des soins, entre la date de dépôt, et la réponse, les soins seront pris en charge. »

Aucun courrier n’a été envoyé pour indiquer à Ousmane qu’il devait fournir une attestation sur l’honneur. Il n’a pas été informé non plus que les soins continuaient à être pris en charge en attendant qu’il ait en sa possession la nouvelle carte 2023. Mais bien sûr cette carte est demandée à chaque prestation des professionnels de santé et en vérifient la validité. Donc pas de carte, pas de soins.

Autant dire que la CPAM du Loiret a encore des progrès à faire dans ses relations avec les usagers. Mais elle n’est malheureusement pas la seule administration dans ce cas dans le Loiret… et ailleurs.


Pour aller plus loin, vous pouvez aussi lire sur Magcentre : Fables et réalités des migrations au forum des droits humains 

 

 

 

 

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