Dans “Cosmos ambulant”, journal de bord d’exception, Richard Texier, peintre et sculpteur de renommée internationale, raconte l’expérience essentielle de sa vie artistique, « l’atelier nomade ». A New York, Moscou, à la villa Noailles d’Hyères ou encore à Shanghai, il s’agit chaque fois pour lui de s’imprégner de l’esprit d’un lieu et de produire des œuvres qui traduisent cette immersion.
Par Jean-Dominique Burtin
Richard Texier et Michel Dubois en 1989. Photo DR
Orléans, belle escale parmi d’autres
Richard Texier possède un atelier à La Flotte, sur l’Île de Ré, ainsi qu’à Paris, sur la Butte aux cailles. En 1988, l’artiste s’était rendu dans les ateliers de Dubois Imageries, à Orléans, pour travailler avec Michel Dubois, son ami sérigraphe, sur la création d’une maquette du carton de la tapisserie d’Aubusson de 148 m2, commande d’Etat composée de sept panneaux destinés à célébrer, en 1989, le bicentenaire de la Révolution Française.
« Le mouvement est le principe de toute vie », telle est une phrase de Léonard de Vinci mise en exergue de l’ouvrage de celui qui est aussi l’auteur d’un tableau intitulé « Neuf petites idées sur les oiseaux et leurs tentatives pour embrasser les étoiles ».
Richard Texier : « Par le cœur et l’esprit, j’appartiens au peuple nomade et de la théorie du point fixe. Il m’a fallu du temps pour réaliser les avantages d’une résidence prolongée dans un lieu choisi, du temps, pour réconcilier errance et immobilité. L’histoire de l’art n’est que chronique d’un recommencement sans fin ».
Un atelier à vie ouverte
Avec humilité et un beau fil d’écriture, Richard Texier, ami de Zao Wou Ki, écrit encore : « Je préfère raconter ici les circonstances, les rencontres, les peurs et les gens qui ont émaillé ces résidences éphémères. Détails et anecdotes en disent plus long que de vaines théories artistiques ».
Et Richard Texier, de poursuivre : « Les artistes sont, pour la plupart, des émigrés en transit, voguant d’une aventure à une autre, hallucinés par le songe de la vie. Le voyageur choisit les vieilles pierres, les civilisations anciennes, tandis que le nomade croit au frottement de âmes, aux échanges sensibles, à la chaleur d’une présence. La rencontre humaine offre une mine d’émotion, mais aussi le merveilleux pouvoir de se laisser surprendre ».
Partager la fragile palpitation du réel
Sans cesse, dans l’évocation de cette stratégie de renouvellement, le créateur tient à vivre en osmose avec « la fragile palpitation du réel » : « Au fur et à mesure de mes résidences délocalisées, je me suis forgé une conviction. L’immersion totale est l’unique manière d’entrer en contact avec un peuple, de saisir le karma d’un lieu, le souffle d’une civilisation. Partager la vie quotidienne, respirer l’air en commun, boire l’eau du puits brasse en profondeur les cartes de l’inspiration, de ses multiples inconnues, et pose aussi l‘équation de son renouvellement. »
A propos de l’expérience de son atelier au phare de Cordouan en 2003, Richard Texier écrit : « A mes yeux, le bord de la mer incarne l’essentiel de ce qui anime mon œuvre, la puissance de la nature et l’élastogenèse frémissante de l’espace. L’ampleur du site, la puissance océanique submergent de beauté. Des ailes mentales me poussaient en même temps que l’irrépressible envie de me lancer dans le vide parmi les goélands. »
Fort heureusement, pieds nus dans son vaste atelier de l’Atlantique, artiste impressionnant comme un Pablo Casals ou comme un Picasso, Richard Texier continue d’aimer à partager un verre de l’amitié lors de discussions telles de souriantes constellations.
« Cosmos ambulant »
par Richard Texier,
Editions Gallimard. 333 pages. 22€50.
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