De la terre à la vie : rencontre avec la sculptrice Anne Boisaubert

Une visite à l’atelier d’Anne Boisaubert à Saint-Pryvé-Saint-Mesmin (45) est un enchantement. Au sens premier du terme. Dans un accueil chaleureux, la sculptrice donne une double vie à ses personnages, expliquant la technique du bronze et ses multiples étapes, et habillant d’histoires chacune de ses présentations.

Par Anne-Cécile Chapuis

Anne Boisaubert dans son atelier avec la sculpture en cours “Petite Jeanne”. Photo AC Chapuis


Rencontrer Anne Boisaubert, c’est entrer dans un univers hors du temps et se trouver aspiré dans une « spirale » dont elle signe la plupart de ses créations. Tout d’abord, c’est dans l’atelier lumineux et ouvert sur le jardin de sa maison que la sculptrice nous reçoit. On passe devant les ébauches (« Je ne dessine pas, je fais mes brouillons en terre ») et le matériel entreposé dans un petit espace plein de surprises, avant de voir les épreuves en terre, celles achevées ayant déjà été réalisées en bronze comme celles en cours. « Je travaille toujours sur au moins deux œuvres à la fois, passant par des moments de vraie joie et vraie douleur ».


Un parcours atypique


Rien ne prédestinait cette jeune femme à la création artistique. Originaire de Belfort et issue d’une famille lorraine, chargée d’import-export dans une société de
Brive-la-Gaillarde, elle vient s’installer avec son mari et ses trois enfants à Saint-Pryvé-Saint-Mesmin en 2000. Deux chocs la bousculent alors : sa découverte de la Loire, un fleuve qui la subjugue, et une visite au marché de potiers de Jouy-le-Potier. Ceci confirme une attirance déjà soupçonnée pour la sculpture et, de rencontres en formation, de stages en cours du soir, elle s’initie à un art qui la passionne, l’englobe, la transforme.
À nouveau une rencontre l’emmène sur le chemin des expositions, notamment « le printemps des arts » dans sa commune de résidence. Ses œuvres sont appréciées, reconnues, sa notoriété croît, et depuis une dizaine d’années, son parcours est jalonné d’expositions, projets et de nombreux prix.

Des œuvres inspirées et habitées


Quand Anne parle de ses personnages, c’est toujours avec les mains. Mais pas que. Bien sûr les gestes sont là, redessinent les contours ou les postures qu’elle a choisies, mais c’est aussi en expliquant une démarche, une histoire, un environnement. Elle travaille avec des modèles, des personnes avec qui elle passe du temps, à qui elle explique le projet, et à qui elle demande d’interpréter le personnage en question. En dansant, en pensant, en jouant. C’est un travail à deux.

Anne Boisaubert présente le travail avec une danseuse avant la réalisation de “Lettre à l’immortelle Bien-aimée” d’après une lettre de Beethoven retrouvée après sa mort. Photo AC Chapuis


En amont de ses réalisations, elle se documente beaucoup, comme en témoignent les nombreux ouvrages présents dans l’atelier. La musique est omniprésente et toujours contextualisée dans son travail (comme celle de Guillaume Dufay pour travailler le personnage de Dunois et bien sûr une immersion dans l’univers Beethovenien pour “Hymne à la joie”).

Anne le dit : « Je travaille avec mon cœur, avec mon corps, avec mon âme », et il semblerait que cet ordre d’énoncé ne soit pas neutre, dans un rapport un peu magique avec le personnage qui prend littéralement vie sous ses doigts. « Quand terminer une sculpture ? C’est elle qui me le dit ».

De la terre au bronze


Anne Boisaubert se consacre aujourd’hui totalement au bronze, une matière qui la fascine : par les étapes, par le processus et surtout pour la palette de couleurs inhérentes au procédé. Elle travaille avec un fondeur de Chartres (AFB, Fonderie d’Art de la Fonte et du Bronze) avec la technique de cire perdue. Elle explique parfaitement ce long chemin balisé qu’il serait trop long (et trop technique !) de rapporter ici. Qu’à cela ne tienne ! Une conférence est prévue à Chartres le 20 octobre où, dans le cadre des Beethovéniades et de l’exposition de son célèbre « Hymne à la joie » 2020, elle expliquera tout !

Dans sa Galerie des bronzes, Anne Boisaubert présente son Beethoven, œuvre de 2020 intitulée “Hymne à la joie 1er mouvement”. Photo AC Chapuis


Effectivement, ses œuvres sont saisissantes, comme son magnifique « Requiem de Loire » 2017, un très beau visage de femme à la chevelure abondante qu’on reçoit au premier regard comme une évocation paisible et majestueuse du fleuve. À l’approche, on découvre que cette belle chevelure (en spirale !) contient des corps en mouvement et en détresse : la Loire n’est pas un long fleuve tranquille, Anne le sait, et veut évoquer les destinées tragiques qui ont jalonné sa trajectoire.

“Requiem de Loire” : de la chevelure apparaissent les drames de la Loire. Photo AC Chapuis


On pourrait aussi citer « Espérance. 2018 », ces deux enfants enlacés qui se protègent contre les maltraitances évoquées dans le socle du bronze. Toujours ce double regard, et ces messages qu’Anne Boisaubert veut transmettre : liberté et tolérance.

 

Des projets nombreux


L’actualité est riche pour Anne Boisaubert, avec :

  • “Les chants de l’âme”. Une exposition en duo avec le peintre Severo à l’église
    St-Etienne de Beaugency du 23 septembre au 8 octobre
  • Une participation aux Beethovéniades à Chartres les 13 et 14 avec une présentation illustrée de la création d’une œuvre “de l’idée au bronze final” le samedi 14 octobre à 14h30
  • Portes ouvertes des ateliers d’artistes du Loiret le dimanche 15 octobre
  • Invitée d’honneur au 21ème Rencontres Photographiques d’Ingré avec « Requiem de Loire » du 18 au 22 octobre

« Et toute l’année, mon atelier et ma galerie de Bronzes vous restent ouverts sur rendez-vous, en semaine ou le week-end, n’hésitez pas à venir !!! »

Un lieu qu’on quitte à regret et une visite dont on ne sort qu’avec une envie, y revenir !


Pour en savoir plus et prendre rendez-vous :

www.anne-boisaubert.fr


Pour aller plus loin :
« Anatomie du génie », l’ouvrage de Jérôme Bloch sur trois grands compositeurs 

Commentaires

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  1. Merci pour ce beau reportage et cette belle rencontre ! Si riche de sensibilité et de passion talentueuse. Bravo.

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