Lorsque des plus de 75 ans sont impliqués dans de graves accidents de la route ou de simples incidents spectaculaires mais sans conséquences, la presse s’en empare immanquablement. La même question revient alors : faut-il obliger les vieux à passer un examen médical périodique d’aptitude à la conduite ? A nouveau, une proposition de loi le recommande.
Par Jean-Paul Briand
Un député des Yvelines, Bruno Millienne, a trouvé une réponse simpliste : tester médicalement, tous les cinq ans, l’aptitude à la conduite des détenteurs de permis âgés de 75 ans ou plus. Sans doute à court d’arguments ou afin de préparer insidieusement les consciences, ce député Modem joue la carte affective. Dans l’introduction de sa proposition de loi (PPL) « visant à mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite pour les conducteurs de 75 ans et plus », il évoque le cas de la tenniswoman Pauline Déroulède qui a dû être amputée « après avoir été fauchée par un nonagénaire qui a perdu le contrôle de son véhicule en 2018 ». Pour faire bonne mesure émotionnelle et démagogique il aurait pu ajouter quelques enfants passés sous les roues de chauffards séniles…
Les visites médicales pour les séniors n’ont pas fait preuve d’une amélioration de l’accidentalité
Dans les justifications de sa PPL, le député du 78 rappelle que « les capacités physiologiques et cognitives nécessaires à une bonne conduite peuvent diminuer dès 45 ans ». Pourquoi ne propose-t-il pas alors de faire appliquer sa loi dès l’âge de 45 ans ? « En France, le permis de conduire est délivré à vie, alors que dans la plupart des pays européens, il n’est valable que 10 ans », s’indigne-t-il. Comme les moutons de Panurge, il souhaite imiter ces pays sans se poser la question de savoir si, grâce à cette restriction réglementaire, leur nombre d’accidents routiers est inférieur à celui de la France. Pourtant le 9 juillet 2019, le Conseil National de la Sécurité Routière (CNSR), réuni en séance plénière, concluait : « Les visites médicales systématiques pour l’ensemble de la population ou pour les séniors, réalisées dans certains pays n’ont pas fait preuve d’une amélioration de l’accidentalité ».
La PPL du député Millienne doit être rejetée
La professeure de gériatrie, Sylvie Bonin-Guillaume, membre du CNSR sait de quoi elle parle quand elle prévient dans une interview que « brandir le spectre de l’interdiction auprès des séniors est contre-productif ». Que ce soit dans les campagnes ou dans les cités, avec ses centres commerciaux en périphérie, se déplacer est de première nécessité. Pouvoir le faire de façon indépendante est primordial. La voiture est donc un outil essentiel afin de maintenir autonomie et lien social aux couples de personnes âgées, voire vital chez un ancien esseulé. La PPL du député Millienne doit être rejetée.
La mortalité des séniors sur la route n’est pas liée au fait de conduire son automobile
Avant d’isoler un peu plus cette catégorie de citoyens vulnérables en leur interdisant la conduite, il serait bon de rappeler que les statistiques de sécurité routière montrent que la très grande majorité des accidents mortels sont en rapport avec des vitesses excessives chez les 18-24 ans, l’alcool et les stupéfiants pour les 25-44 ans. Les personnes âgées appartiennent essentiellement à la classe des conducteurs en danger et victimes. La mortalité des séniors sur la route n’est pas liée au fait de conduire son automobile mais à l’augmentation de leur fragilité physiologique lors d’un choc.
Permettre aux plus anciens l’accessibilité et la sécurité de tous leurs déplacements
La conduite automobile des personnes âgées est une difficulté concernant la sécurité routière car il n’est pas toujours raisonnable de conduire à un âge très avancé, quand les années accumulées ont dégradé les fonctions motrices, sensorielles, voire cognitives, impliquées dans la conduite automobile. Mais c’est surtout un problème de santé publique pour cette population souvent isolée et en perte d’autonomie.
La représentation nationale serait bien inspirée de mettre en place les dernières recommandations du CNSR et de réfléchir sur les conséquences du vieillissement irréversible de la population française afin de permettre aux plus anciens l’accessibilité et la sécurité de tous leurs déplacements…
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