Le nouveau business de la téléconsultation

Les consultations à distance entre un médecin et son patient via l’utilisation d’une vidéotransmission sécurisée se multiplient. Dans la majorité des cas elles sont prises en charge par la Sécu. Ces derniers mois des offres marchandes de téléconsultations se développent hors assurance maladie. Aubaine mercantile ou optimisation des demandes de soins ?

Par Jean-Paul Briand

La télémédecine recouvre plusieurs types d’actes :

  • Le conseil médical isolé qui évite une consultation superflue et rassure un patient inquiet.
  • La téléconsultation qui est une authentique consultation à distance d’un patient avec un professionnel médical (médecin, sage-femme). Le patient peut alors se faire assister par un autre professionnel de santé (infirmier, pharmacien, médecin…). 
  • La téléexpertise permet à un professionnel médical d’avoir à distance l’avis d’un autre professionnel (ou de plusieurs) dans le cadre de la prise en charge d’un malade.

Téléconsultations et soins prescrits à la suite sont pris en charge par l’assurance maladie si le parcours de soins est respecté, si elles sont réalisées à proximité et en alternance avec des consultations en présentiel. Les téléexpertises sont réglées directement aux professionnels par l’assurance maladie obligatoire.

Des cabines de téléconsultations en ordre dispersé

Sous prétexte de désengorger les urgences, d’améliorer l’accès aux professionnels de santé, de lutter contre les déserts médicaux, mais surtout afin d’élargir leur offre commerciale, des groupes assurantiels et mutualistes, des officines de santé proposent des consultations numériques. Ainsi, depuis novembre 2022, à Gien dans le Loiret, l’opportuniste opticien Alain Afflelou, a démarré, avec succès semble-t-il, une téléconsultation ophtalmologique. En juin dernier l’un des leaders européens de l’hospitalisation privée, le groupe Ramsay Santé entre dans la partie en proposant un contrat d’abonnement à 11,90 euros par mois pour une offre de consultations par vidéo. Même la SNCF s’en mêle. Elle vient de lancer un appel d’offres pour équiper des gares avec des télécabines dans certaines zones d’intervention prioritaire (ZIP) ou d’action prioritaire (ZAC). En ordre dispersé, des pharmacies, des mairies, des résidences pour personnes âgées, des enseignes de grande distribution ouvrent des bornes ou des cabines de téléconsultations. 

Ces nouvelles pratiques de la médecine ne convainquent pas encore 

L’Ordre des médecins s’inquiète et rappelle que « la téléconsultation doit être inscrite dans le parcours de soins coordonnés ». Après les polémiques engendrées par l’offre d’abonnement du groupe Ramsay Santé, hors sécu et parcours de soins, l’Assemblée nationale s’est saisie du sujet. Sa commission des affaires sociales a demandé à la députée du Loiret et médecin, Stéphanie Rist, et au député communiste des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville, « d’étudier et d’évaluer les conséquences de ce modèle de prestation de soins ». Les deux députés de cette « mission flash », menée à partir du
3 juillet, ont présenté leur rapport le 19 juillet 2023 après avoir auditionné des représentants des médecins, d’associations de patients, de l’assurance maladie, de mutuelles, de sociétés de téléconsultations mais aussi des administratifs et des politiques. « Si de telles pratiques devaient se développer, elles viendraient installer un système d’accès aux soins à deux vitesses », alertent les deux rapporteurs. Ils concluent que « les offres commerciales incluant un accès à un nombre de téléconsultations pour un prix forfaitaire ne semblent pas répondre à un véritable besoin ».

Pierre Dharréville & Stéphanie Rist en séance de la Commission des affaires sociales.

La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce

Bien que rassurés car l’offre de Ramsay Santé, démarrée depuis un an, a moins de 50 abonnés, les députés restent méfiants et vigilants. Dans « Charlie Hebdo » du 5 avril 2023, le dessinateur de presse Walter Foolz relate son expérience décevante de télémédecine dans une bédé titrée « La téléconsultation, dernière cabine avant le cercueil ». 

A l’évidence, ces nouvelles pratiques consuméristes de la médecine ne convainquent pas encore, d’autant que le code de déontologie médicale ordonne que « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce ».

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