Le cinéma n’est pas en vacances. Un grand nombre de films sortent chaque semaine, et des reprises dans les cycles d’été offrent de grandes possibilités de se faire une toile. Nous avons choisi trois nouveautés parmi les sorties du mois de juillet.
Par Bernard Cassat
Les quatre sœurs, filles d’Olfa. Photo Tanit Films
Dans son 7e long métrage, la réalisatrice et scénariste tunisienne Kaouther Ben Hania propose un dispositif complexe. Elle fait jouer les vrais personnages et les actrices qui les doublent. Les unes et les autres sont présentées longuement pendant le début du film. Ce n’est pas le plus intéressant, même si l’idée semblait bonne. Lorsque la vraie Olfa raconte sa vie, son mariage, sa violence envers son mari qui ne l’intéresse pas, on rentre dans le vif de l’histoire. Et celle de ses filles, puisque c’est le sujet du film, leur adolescence plutôt violente et gothique, puis leur adhésion au radicalisme et leur départ pour la Libye.
La narration est trop ampoulée pour raconter cet échec d’une mère pourtant attentive. Trop de scènes maniéristes ramollissent cette histoire pourtant passionnante : comment deux belles filles intelligentes et énergiques tombent dans les mains des jihadistes ? On saisit quelques fils, mais on reste sur sa faim. Trop long et coincé dans son dispositif trop lourd, le film déçoit.
Les deux amis et rivaux dans la cour d’école. Photo Nuri Bilge Ceylan
Nuri Bilge Ceylan est un cinéaste très littéraire, on le sait par exemple par son
avant-dernier film Winter Sleep. Les herbes sèches ne déroge pas à son style. Au fin fond d’une Anatolie couverte de neige, de jeunes professeurs débattent sur le sens de la vie et entretiennent des relations complexes entre eux, avec les élèves et avec les institutions. Cette œuvre polyphonique comme les romans de Dostoïevski propose, dans de longs plans fixes au cadrage très soigné, des personnages très fouillés qui échangent sur la vie, la politique, l’action politique, l’amour. Bavard, comme peuvent être bavards certains livres, mais passionnant de bout en bout.
Et pourtant ce réalisateur quasi romancier (le film est très écrit, les acteurs devaient apprendre par cœur de longues répliques comme au théâtre) est un immense cinéaste. Images magnifiques dans la neige ou dans des intérieurs aux éclairages mystérieux, maîtrise du temps de narration qui fait que les trois heures et quart ne sont pas de trop, tissage de thèmes différents dans un récit cohérent. Un film ample, du cinéma d’un puissant classicisme qui scrute profondément l’âme de ses personnages dans des images simples mais somptueuses.
L’infatigable policier de Limbo. Photo Capelight Pictures OHG
Histoire hallucinante dans un Hong Kong poubelle, filmé en noir et blanc, Limbo du réalisateur chinois Soi Cheang sur un scénario de Kin Yee Au brille par sa noirceur. Une descente effroyable dans le monde des laissés-pour-compte d’un binôme de policiers qui ne cessent de franchir les lignes. Les personnages féminins, paumés mais remplis d’une énergie incroyable, essayent de faire face à la violence des truands. Et de composer avec celle des policiers.
De magnifiques images de la ville, ces quartiers de gratte-ciel allumés la nuit comme un décor de tous les bas-fonds bétonnés, permettent à la caméra de jouer avec l’histoire dans des poursuites plus que trépidantes, qu’elles soient en voiture ou à la course. La pluie rajoute à l’angoisse, le suspens s’éternise. Un excès de violence, dans les séquences finales, franchit lui aussi la ligne. Dommage. Intrigue, personnages et beauté des compositions visuelles restent plus que prenants.
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Il Boemo, brillante réhabilitation d’un génie oublié