Dans nos villes les trottinettes électriques pullulent. Ce serait plutôt sympathique si, pour certains pratiquants de ce nouveau mode de transport urbain, le code de la route ne semblait pas facultatif. Aujourd’hui, avec des blessures aussi graves que celles impliquant des motos ou des vélos, l’accidentologie liée à leur utilisation est devenue un authentique problème sanitaire.
Par Jean-Paul Briand
Cliché Pixabay
Le registre national des traumatismes majeurs a permis à une équipe française de publier une étude de cohorte multicentrique comparant les blessures occasionnées par des accidents de trottinettes électriques, de motos et de vélos, survenus en France entre 2019 et 2022. En effet, depuis 2012, le groupe Traumabase, constitué d’un réseau de 25 centres français de traumatologie, dont celui du CHU de Tours, recense les données des admissions pour traumatisme grave, depuis la prise en charge hospitalière jusqu’à la sortie de réanimation.
La sévérité des lésions en trottinette électrique est proche de celle des motos
Entre le 1er janvier 2019 et le 20 décembre 2022, ce sont 5 233 patients qui ont subi des accidents graves avec des « engins de déplacement personnel motorisé » (EDPM).
Les EDPM incluent les trottinettes électriques mais aussi, plus rarement utilisés, les monoroues, les gyropodes et les hoverboards. L’étude montre que la sévérité des lésions en trottinette électrique est proche de celle subie par les conducteurs de moto ou de vélo, avec une proportion plus importante de lésions cérébrales critiques et un risque de traumatisme crânien deux fois plus élevé que chez les motards. Les décès des usagers d’EDPM sont en rapport avec des atteintes crâniennes souvent associées à la prise d’alcool et il est malheureusement noté que moins du quart des conducteurs d’EDPM accidentés portait un casque.
Les recommandations de l’Académie de médecine
Entre janvier 2019 et décembre 2022, le nombre d’hospitalisations à la suite d’un accident d’EDPM a été multiplié par 2,8. Alertée par l’accumulation des accidents impliquant des trottinettes électrique, dans un rapport de 2022, l’Académie de médecine recommande :
- « des normes pour la largeur de la plateforme, le diamètre et la largeur des roues afin d’assurer une réelle stabilité au conducteur ;
- de compléter l’équipement par des clignotants de changement de direction localisés au guidon ou intégrés dans l’équipement du conducteur, et par un feu stop à l’arrière ;
- d’aligner la puissance réelle des engins sur la puissance autorisée permettant de respecter la réglementation existante ;
- de contrôler les engins de location par plateforme GPS en fonction des zones urbaines. »
Sécuriser l’utilisation de ces « engins de déplacement personnel motorisé »
D’après les travaux permis par l’Observatoire des patients traumatisés sévères et ceux de l’Académie de médecine, les accidents d’EDPM aux conséquences très sévères sont souvent liés à la conception des engins, à l’état des voiries, au partage de l’espace public mais surtout au comportement des conducteurs. Devant l’augmentation de l’usage des trottinettes électriques et avec lui celui du nombre d’accidents, il serait bon, comme le recommande l’Académie de médecine, que les aménagements urbains en tiennent désormais compte et que la réglementation actuelle soit strictement respectée. D’après les membres de l’Académie de médecine, il faudrait aussi :
- « relever l’âge des conducteurs à 16 ans ;
- mettre en place une formation de base dans les établissements scolaires ;
- exiger, pour les mineurs, un certificat d’aptitude pour piloter une trottinette électrique de location ;
- rendre obligatoire le port de gants et surtout d’un casque adapté ;
- des éléments de protection des membres (coudes, poignets, genoux) et organiser des campagnes de sensibilisation sur les risques d’utilisation de la trottinette électrique et les conditions d’assurance ».
Les décès, les atteintes lourdes, entraînant parfois des handicaps irréversibles dramatiques, en rapport avec les trottinettes électriques, concernent essentiellement des usagers jeunes. Ces accidents sont en constante augmentation. Pour arrêter l’hécatombe, il est impératif que les pouvoirs publics interviennent rapidement afin de sécuriser l’utilisation de ces « engins de déplacement personnel motorisé… »
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