Patrimoine : le cercueil d’un prêtre égyptien au musée Girodet de Montargis

Le musée Girodet possède deux cercueils égyptiens, dont un avec sa momie. Ils sont entrés dans la collection au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. La momie – celle d’une femme – a été brièvement exposée en 2021, après sa restauration par l’ARC Nucléart de Grenoble. À présent, c’est au tour du deuxième cercueil de subir une restauration, sur place, à Montargis.

Par Izabel Tognarelli

À l’étage du musée Girodet, les deux restauratrices d’art travaillent – Photo Izabel Tognarelli

Les aléas de la vie éternelle sont ce qu’ils sont, et parmi ceux inhérents à la vie montargoise figurent les inondations de juin 2016. L’enveloppe de papier de soie et de Melinex a limité les dégâts dus aux heures d’immersion. À mi-chemin entre le travail d’esthéticienne et celui de médecin, Marie Louis et Sophie Joigneau sont penchées au-dessus du cercueil d’un prêtre thébain inhumé à l’époque de la XXIe dynastie, il y a environ 3 000 ans. L’interview se passe dans le bruissement des soufflettes, le vrombissement d’une fraise de dentiste et le « scratch-scratch » d’un scalpel, outils de prédilection de nos deux restauratrices d’art.

Un travail délicat et long

Leur travail demande patience et attention. Tout en filant des mèches de coton qu’elle enroule sur de fins bâtons dont elle use comme de cotons-tiges, Sophie nous parle de ce cercueil égyptien qui a évidemment été altéré, mais plutôt dans ses parties restaurées : « Les deux cercueils égyptiens du musée Girodet ont déjà subi des restaurations, peut-être plusieurs. Ce sont elles qui ont souffert le plus, davantage que les parties d’origine. L’autre cercueil, celui qui contenait la momie, avait subi encore davantage de restaurations. Peut-être avait-il des problèmes de structure ? Les restaurations étaient importantes : il serait difficile de le rendre présentable ».

Ce travail consiste à éliminer les produits et enduits utilisés dans les restaurations tardives, abîmées par l’inondation : il faut enlever l’enduit sans enlever les couches originales qui se juxtaposent les unes aux autres et parfois s’entremêlent. Il faut refixer au fur et à mesure que cela se décolle. À cette fin, elles vont injecter des produits pour rassembler, mais avec un minimum d’intervention, juste ce qu’il faut pour consolider la structure.

Un symbole et une anecdote

Les cercueils de l’Égypte antique étaient souvent conçus à partir de figuier sycomore, arbre très répandu au Moyen-Orient. Dans un épisode de la Bible, Zachée prend appui sur le tronc court d’un sycomore afin de grimper sur une branche et apercevoir Jésus. Le bois de cet arbre à l’allure caractéristique symbolise l’élévation de l’âme.

Comme lorsque l’on achète des meubles très anciens, il y a toujours une cachette. Ici, dans ce cercueil, en guise de Louis d’or, nos deux restauratrices ont trouvé un exemplaire du Figaro, daté des années 60. Il a visiblement été placé là lors d’une précédente restauration, il y a une cinquantaine ou une soixantaine d’années, afin de réduire la surface d’enduit nécessaire. Elles ont aussi trouvé un papier (également de l’époque contemporaine) plusieurs fois plié sur lui-même, qui évoque un courrier. Il a été extrait et sera confié à un restaurateur de papier, afin de voir ce qui est écrit.

Le mot de la fin revient à Marie : « La moitié du premier cercueil, celui de la momie, consiste en restitutions : ce ne sont pas des éléments d’origine. Pour ce deuxième cercueil, il y a moyen de travailler afin de le rendre présentable au public. On conservera l’aspect archéologique avec l’existant : nous n’allons pas reconstituer un décor qu’on inventerait. C’est ce qui se faisait avant, mais ce n’est plus du tout l’optique actuelle ».

Cette restauration comprend une première tranche de cinquante jours de travail, en vue de la stabilisation. La phase de restauration pour la présentation devrait se faire dans une deuxième tranche. Il est pour le moment impossible de dire quand ce cercueil égyptien sera de nouveau visible par le public, mais une ouverture vitrée donne vue sur la salle où a lieu cette restauration. Jusqu’à la fin du mois de septembre, on peut également y apercevoir les deux restauratrices en plein travail.

Les décors de l’intérieur de la cuve du cercueil sont émouvants de beauté – Photo Izabel Tognarelli

Programme des journées du Patrimoine au musée Girodet

Le cas du cercueil égyptien illustre les risques de dégradation et les mesures de conservation qui en découlent, aussi ces 40e Journées du patrimoine au musée Girodet sont-elles placées sous le signe du danger et sa représentation dans l’histoire de l’art. Ce thème sera notamment illustré par des objets qui sortent rarement des réserves. Pour ces deux journées, le programme concerne tous les âges. Il commence par des lectures en partenariat avec la médiathèque (à partir de 2 ans). Comme tous les ans, le musée proposera un jeu de piste, cette fois-ci autour du tableau Attala au tombeau, qui vient de revenir de restauration (mais qui n’a pas eu à subir les inondations). Bruno de Saint-Riquier (Théâtre de la Forge) et Antoine Marneur (Théâtre du Détour) proposeront des lectures sur le thème de “Girodet, un pinceau dans la bibliothèque” (tous publics, dès 12 ans). Les visites commentées sont également destinées à tous les publics, à partir de 12 ans. Entrée gratuite les 16 et 17 septembre, réservation préalable obligatoire, sauf pour le jeu de piste. Plus de détails sur le site Internet du musée Girodet.

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