Le beau voyage des comédiens du théâtre du Grand Orme

Depuis près de 20 ans, la Compagnie du Hasard, au théâtre du Grand Orme à Feings fait vivre l’art dramatique dans la campagne controise. Danièle Marty, qui vit sur place, y a créé une trentaine d’œuvres pour tout public mais aussi plus engagées.

Par Jean-Luc Vezon     

Le théâtre du Grand Orme est devenu en 20 ans un lieu incontournable de la vie culturelle du Loir-et-Cher.
Crédit photo Jean-Luc Vezon.

Au bout de la petite route de campagne pointe une ferme avec sur sa façade écrit en gros “Théâtre” et en dessous la représentation d’un Grand Orme. C’est là que la comédienne Danièle Marty a posé ses valises en 2003 après le décès de son époux, le metteur en scène Nicolas Peskine* (1952-2001), puis  « l’éjection » de la compagnie du Hasard de son théâtre par Nicolas Perruchot, élu maire de Blois face à Jack Lang.

« Le départ vers Feings a porté toute l’équipe de la compagnie du Hasard. Nous avons construit un théâtre dans cette ancienne ferme, créé une école de théâtre dès 2008, qui compte actuellement 70 élèves et monté une trentaine de pièces que nous avons parfois présentées à l’étranger » évoque Danièle Marty.

Tenace, portée par son idéal, l’ancienne professeure de théâtre au lycée Augustin Thierry, admiratrice de Marivaux, s’est débrouillée sans beaucoup de soutiens même si l’ensemble des collectivités territoriales et de nombreuses fondations privées lui ont donné un coup de main. Avec les membres de l’association présidée par Sylvie Jacquemin et le concours de Michel Druez indispensable régisseur-décorateur, une jolie salle de 130 fauteuils rouges avec loges et commodités est sortie de terre dans la grange du 17e et permet aux compagnies de se produire dans de bonnes conditions.

« Face à cette humanité parfois désespérante, le théâtre m’a permis de tenir, de poser des questions et d’œuvrer pour un monde meilleur porteur d’égalité entre les hommes et les femmes, entre les races… », précise Danièle. Écorchée vive, idéaliste, révoltée, sa première création « Sous la voûte céleste » lui permet d’exprimer son rejet des injustices.

Suivront plusieurs créations emblématiques comme Iko Tjokodi? en 2008, sur l’absurdité des frontières ou La Cave, une pièce écrite par Bruno Cadillon et jouée plus de 100 fois, à partir de 2014, qui aborde les violences conjugales et l’emprise. Dans la lignée de Figaro, adaptation africaine des Noces de Figaro de Beaumarchais, monté par Peskine au Burkina Faso en 1989, Danièle Marty n’a cessé d’inventer un théâtre vivant, souvent drôle et poétique mais toujours avec un grand souci de l’esthétisme. De grands textes comme sa dernière création Antigone vs Créonne ou plus familiaux comme La Dame à la Capuche lui permettent de toucher tous les publics dans différents lieux de la région.

Une PME avec sept ETP

Directrice de la compagnie depuis le décès de son époux en 2001, Danièle Marty n’a pas ménagé son énergie pour développer le Grand Orme et en faire un lieu incontournable de la scène théâtrale régionale. « Nous sommes la plus grosse entreprise de Feings mais le travail administratif est lourd », constate-t-elle.

A l’orée de la retraite en 2024, la directrice a donc décidé de céder ou plutôt louer le site et son théâtre. C’est l’association Accords Centre-Val de Loire, gestionnaire notamment de l’Ensemble Orchestral 41, qui devrait reprendre le flambeau avec le soutien des collectivités dont la communauté de communes du Val de Cher Controis. Son ambition sera d’en faire un lieu de résidences artistiques, de concerts et d’y développer l’enseignement musical, de la danse et du théâtre. L’école de théâtre va ainsi continuer son activité pour le plus grand bonheur des amateurs.

« Nicolas Peskine aurait été fier de moi. J’ai défendu avec passion la cause du théâtre et j’ai eu la chance immense de vivre une vie d’artiste, de liberté, de voyages et de rencontres. Aujourd’hui, je suis sereine. Le Grand Orme, lieu de création et de partage, que nous avons créé de toutes pièces, va continuer à vivre, à donner du bonheur au public et, je l’espère, un peu plus d’humanité » conclut Danièle Marty.  

En 2024, le rideau se lèvera sur cette comédienne et directrice de compagnie.

(*) « Auteur, metteur en scène, chef de bande et inventeur d’aventures » comme le théâtre mobile en bois.

Danièle Marty directrice de la Compagnie du hasard au centre avec Maëlle Rouablé, chargée de communication et de médiation et Michel Druez, régisseur-décorateur. Crédit photo Jean-Luc Vezon.

Antigone vs Créonne, une pièce à découvrir


La dernière création de la compagnie du Hasard a demandé trois années de travail à la troupe de Danièle Marty. La célèbre pièce de Sophocle et d’Anouilh a été réécrite en gardant sa structure narrative puis mise en scène par Emmanuel Faventines, le complice de toujours. Au cours d’une journée haletante apparaissent des policiers municipaux dépassés, une psychologue survitaminée et un chœur vidéo de citoyens.     

« Ce mythe nous parle d’aujourd’hui. Il offre une vraie réflexion à la jeunesse sur l’opposition des sentiments, des générations, les diverses facettes du pouvoir, la vie, la mort… », explique Danièle Marty qui a mis beaucoup d’elle-même dans ce travail. Elle a ainsi féminisé Créon en Créonne pour donner toute sa place à la femme.  

Présentée au théâtre Maurice Sand à La Châtre puis à la Pyramide de
Romorantin-Lanthenay, cette œuvre d’une grande modernité a aussi été très bien accueillie par les jeunes volontaires du Service national universel (SNU) qui ont pu réagir lors d’un débat avec le metteur en scène le 5 juillet dernier.

Antigone vs Créonne sera présenté au Grand Orme durant six soirées : les 25, 26 et 27 juillet puis les 1, 2 et 3 août. Après la pièce d’une durée de 1h35, les spectateurs peuvent prolonger la soirée avec des concerts de Novembre 97, Freaky Beat ou Mathis Poulin et profiter de la restauration et du bar dans le coquet jardin du Grand Orme.

Depuis ses débuts en 1977, Danièle Marty a utilisé le théâtre pour aider à construire une humanité meilleure.
Crédit photo Jean-Luc Vezon.

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