La mort du jeune Nahel à Nanterre a servi de prétexte à environ 300 émeutiers pour saccager la rue commerçante de Montargis et ses abords. Les scènes de pillages étaient relayées sur les réseaux sociaux. Les policiers se sont retrouvés à une trentaine pour faire front. Benoît Digeon, maire de Montargis, demande depuis des années des renforts pour le commissariat.
Par Izabel Tognarelli
Montargis s’est réveillé abasourdi ce vendredi 30 juin, en constatant l’ampleur des saccages qui ont eu lieu au cours de la nuit dans la rue Dorée. Dans l’après-midi, l’odeur d’incendie était toujours prégnante sur tout le cœur de ville, les volutes noires s’échappaient encore de la pharmacie qui, avec la Chocothèque, faisait l’angle de la rue Dorée et de la rue du Loing. Une reprise de feu s’annonçait en début d’après-midi dans ce bâtiment, qui a fini par s’effondrer. Les pompiers venaient juste d’en finir avec la sécurisation du magasin de vêtements Alexander dont la devanture en bois appartient désormais au passé (tout comme le reste du bâtiment). Autre commerce totalement détruit, le magasin de décoration de la rue du Général Leclerc, où l’on trouvait des tas d’objets pour la maison à des prix très raisonnables. Il fait l’objet d’une surveillance en raison de la grande surface d’entrepôts situés à l’arrière et qui vont jusqu’à la rue Triqueti. Presque toutes les vitrines du centre-ville sont touchées ne serait-ce que par un impact en plein milieu, pour montrer la volonté de saccage. Quant aux scènes de pillages dans les boutiques de téléphonie et de vêtements, elles circulaient en boucle sur TikTok et Instagram.
Une nuit de saccages interminable
Les mouvements ont commencé aux alentours de 23h. Dans cette ville qui, au fil du temps, s’est habituée au bruit des tirs de mortiers, les crépitements que l’on entendait au loin évoquaient plutôt des bruits de pétards. Mais la séquence s’étirait sur une durée inhabituelle, qui interpellait. Pour ceux qui ont la chance d’habiter aux écarts de la ville, les choses pouvaient en rester là. Mais en centre-ville, voitures et vitrines brûlaient. Benoît Digeon, maire de Montargis, était au centre de supervision urbain dès minuit. Avec le sous-préfet, ils ont observé, surveillé tout ce qui se passait, y compris la tentative de saccage de la mairie. A partir de 4h du matin, avec ses équipes, le maire a fait le tour de la ville pour évaluer les mesures à prendre. Dès 5h du matin, une entreprise commençait le nettoyage des voitures, du mobilier urbain, des bris de verre.
En milieu d’après-midi, les chiffres avaient évolué vers environ 90 commerces touchés et une quinzaine de véhicules brûlés, depuis le parking de commissariat et jusqu’aux abords du musée Girodet. Parmi toutes les vitrines brisées, le maire annonce qu’une soixantaine tenaient encore, mais vingt-cinq ont été enfoncées. Elles sont désormais protégées par des panneaux de contreplaqué. Ces ouvriers ont travaillé à partir de 7h du matin et toute la journée dans de lourdes odeurs de fumée. Tout ce qui pouvait être nettoyé l’a été dans le courant de la journée.
Quant aux pompiers, ils ont été au travail une partie de la nuit et toute la journée, avec leur QG installé sur la place Mirabeau. Les pompiers de la caserne de Villemandeur ont reçu les renforts des pompiers volontaires des petites villes alentours, notamment Château-Renard, Châtillon-Coligny, Saint-Benoît-sur-Loire, entre autres, qui ont pris en charge les trois immeubles en feu.
Dans la journée, le maire d’Amilly a annoncé l’annulation de la Fête de l’Europe.
Les commerces de la zone d’Antibes ont, par souci de sécurité pour leurs clients, cédé à la rumeur et fermé leurs portes. A Montargis, tous les commerces sont fermés. Il se dit que les émeutiers ont prévu de revenir « pour finir le travail », il se pourrait qu’ils trouvent une ville mieux préparée.
Des forces de l’ordre en sous-effectif
Du côté du commissariat, les policiers ont reçu le renfort d’une dizaine de policiers en provenance d’Orléans. « Il y avait eu une accalmie, suivie d’une sorte de reflux, des gens qui estimaient qu’ils n’avaient pas encore assez pris. Ces renforts sont arrivés après la bagarre mais nous ont quand même bien aidés car ils ont mis fin à des pillages », explique Benoît Digeon. Mais quand on demande combien étaient les policiers de Montargis cette nuit-là, la réponse tombe comme un couperet : 20. Avec les renforts à partir de 3h du matin, cela porte à 30 le nombre de policiers pour faire face à des émeutiers dix fois plus nombreux. « Les policiers devraient être 122 au commissariat et ils ne sont que 90 ». Benoît Digeon demande des renforts tous les ans. Il ne lâche rien.