Berrichonne d’adoption, Véronique Berger Grenier aime les auteurs. Une passion compulsive qui l’a inspirée pour écrire un incroyable récit imaginant de grandes rencontres entre 668 illustres invités. Une alchimie littéraire que Le Monde n’a pas manqué d’apprécier.
Par Jean-Luc Bouland
« Mais enfin, druide, ce n’est pas du jeu ! Nous te torturons depuis des heures et ça ne te fait rien ! – Si ! Ça me fait passer le temps ! ». En 1959, Uderzo et Goscinny ne pensaient pas que cette phrase échappée d’une bulle iconique d’Astérix le Gaulois suggérerait le fruit d’une idylle improbable entre Bonemine et le druide Panoramix, ici torturé. Une progéniture féminine soucieuse de précision, experte en saveurs inédites, et qui sait joyeusement occuper son temps.
Bien loin de la Bretagne, en Vierzonnais, quelques voix lui donnent un nom : Véronique Berger Grenier (1). Un nom révélé en 2022 par la Nouvelle République et mis ensuite en lumière par le quotidien Le Monde pour avoir concocté dans son laboratoire un objet littéraire insolite à ne pas définir comme « non-identifié », au risque de peiner son auteure, et les éditions Maïa, qui l’ont accueillie.
668 auteurs invités
« C’est un centon, un genre littéraire remontant au Moyen-âge. Une pièce en vers ou en prose dont les fragments sont empruntés à divers auteurs ou à diverses œuvres d’un même auteur », explique-t-elle. Le tour de force est de taille. Un vrai travail de Romain. La dame, à l’allure avenante rappelant Bonemine, nous a concocté un cocktail de bons mots et de propos éclairés, doux extraits d’illustres auteurs ayant marqué leur siècle. Un breuvage littéraire que n’auraient pas désavoué les alchimistes successeurs des druides celtiques.
Jugez plutôt : au fil de ses lectures, depuis près de 40 ans (elle a commencé à 18 ans), cette dévoreuse insatiable d’ouvrages ne s’est pas contentée de tourner les pages puis d’empiler les volumes sur des étagères. Elle a rempli des carnets de citations, dûment répertoriés, annotés, rangés dans une pièce dédiée, comme on classe des herbes rares avant d’en doser les extraits dans sa marmite, pour nous servir une potion magique et revigorante.
De Corneille à Grand Corps malade
« C’est un aréopage inimaginable, pour un débat au sommet qui se joue des frontières, des époques et des différences, pour des échanges polis ou musclés où s’opposent les personnalités les plus singulières et les plus diverses », écrit Gilles Costaz en préface. Quelque 110 pages abordant les thèmes de l’écriture et de l’amour, de la solitude et du bonheur, non pas comme un simple recueil de citations, mais en chapitres constituant des dialogues sur un sujet entre auteurs se répondant, se contrariant ou se complétant, comme dans une conversation autour d’une table, au-delà du temps et des langues. Et le tout complété d’un glossaire des mots les plus inusités et d’un répertoire sommaire des auteurs cités.
« Y voir une sorte de revanche chez celle qui a quitté l’école à 15 ans afin d’entrer en apprentissage n’est pas interdit », suggère, avec son assentiment, Frédéric Potet dans Le Monde, en avril 2022. Le choix des auteurs n’est pas anodin, l’ouverture par son préféré, Sylvain Tesson, des plus symboliques. Gageons que ses géniteurs supposés, par petit gaulois interposé, ne lui auraient pas tenu rigueur d’être absents de cet exercice très recommandable.
Extrait (p94)
Confucius : Faut-il donc désespérer ?
Douglas Kennedy : D’expérience, le plus grave échec, c’est de perdre l’espoir, croyez-moi.
Marie-Nicole Capeau : Qui dirige notre destin si ce n’est l’amour ? Faisons lui confiance.
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