Les Trois Mousquetaires : un produit, pas une œuvre !

Le film de Martin Bourboulon respecte à la lettre le cahier des charges du genre cape et épée. Les acteurs vedettes ne sont peut-être pas employés au maximum de leurs talents, mais le spectacle est au point. Pourtant il lui manque la patte d’un grand qui aurait apporté son style en dépassant l’histoire d’Alexandre Dumas.

Par Bernard Cassat

François Civil en D’Artagnan. Photo CHAPTER2 – PATHE FILMS – M6 FILMS – Constantin Film Verleih GmbH/Ben King

Un film de cape et d’épée, comme on n’en avait pas vu depuis longtemps. Le genre était passé en mode mineur, mais le succès des séries depuis quelques années a poussé les producteurs et auteurs de grands spectacles à fouiner du côté des feuilletons. En littérature (Pierre Lemaitre) comme en cinéma. Alors pourquoi pas Les Trois Mousquetaires ? Les deux scénaristes Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte ont découpé cette source en deux histoires, D’Artagnan d’abord qui sort cette semaine, suivie d’une deuxième partie, Milady, à la fin de l’année. C’est donc une grosse entreprise sous les auspices de Pathé, acteur majeur de l’industrie du cinéma. Qui demande donc à l’équipe que tout soit réuni pour faire un tabac.

Répondre à l’attente

Le réalisateur Martin Bourboulon, homme lige de Pathé et qui connaît bien le milieu de la publicité ciné, a été choisi comme réalisateur. Et avec ses deux scénaristes, ils ont concocté un produit qui répond à tout ce que l’on attendait. Des bagarres à l’épée, quoique les armes à feu font parfois penser plus aux westerns qu’aux mousquets dont les gardes du roi étaient dotés et qui leur a donné leur nom. Et il y en a beaucoup, des bagarres, filmées « au plus près pour que le spectateur ait l’impression d’y être », déclare Martin Bourboulon. Au point qu’on ne sait plus trop où on en est, qui est qui, qui tue qui. Beaucoup de violence gratuite, en fait.

Les quatre mousquetaires devant leur roi. Photo CHAPTER2 – PATHE FILMS – M6 FILMS – Constantin Film Verleih GmbH/Ben King

Et des femmes aussi, bien sûr. Des relations officielles, comme cette époque le voulait, et des histoires d’amour romanesques à souhait, entre ennemis, qui plus est. Le côté Roméo et Juliette qui fait toujours battre le cœur du public. Les scènes de baisers sont rares, le film s’adresse aux enfants aussi ! Et pourtant Milady, la mauvaise, est vraiment démoniaque !

Beaucoup de spectaculaire

Pour pimenter la narration, un bal masqué, une caserne où les mousquetaires s’entraînent comme des gladiateurs romains, des chevauchées dans une nature magnifique par tous les temps, sous le soleil ou dans la brume ou même la pluie. Surtout au début, une pluie torrentielle qui permet un combat dans la boue. Aussi une exécution sur la place publique. Et la cour du roi, l’histoire, le mariage de Monsieur frère du roi et la rébellion de La Rochelle, ville protestante.

La reine Vicky Krieps et sa confidente Constance, Lyna Khoudri. Photo CHAPTER2 – PATHE FILMS – M6 FILMS – Constantin Film Verleih GmbH/Ben King

Tout y est, rien à dire. Sauf que rien n’a vraiment de saveur. La narration a des sursauts et puis s’endort, les épisodes sont terriblement prévisibles, l’humour tombe à côté, la fraternité des mousquetaires, pourtant assez joviale, n’est pas vraiment incarnée. Heureusement, les images sont belles et les acteurs pas n’importe qui. François Civil est un D’Artagnan un peu léger mais présent, les trois mousquetaires Vincent Cassel, Romain Duris et Pio Marmaï à la hauteur de leurs personnages, même si Cassel a été plus reluisant et Duris plus lumineux. La reine Vicky Krieps n’a pas besoin d’en faire beaucoup pour passer la rampe. Eva Green en revanche utilise trop le côté démoniaque de Milady et reste superficielle. Quant à Louis XIII Garrel, il se caricature lui-même de plus en plus jusqu’à friser le ridicule. Alors que Lyna Khoudri fait une délicieuse Constance Bonacieux.

Prêts aux duels. Photo CHAPTER2 – PATHE FILMS – M6 FILMS – Constantin Film Verleih GmbH/Ben King

Martin Bourboulon a fait beaucoup de télévision. Et ses Trois Mousquetaires ressemblent à un croisement entre une production télé style série pour la narration et des images magnifiques qui remplissent aisément un grand écran. Le cahier des charges du producteur est rempli, le produit fonctionne jusqu’au bout. Mais il manque l’étincelle d’un Jean Marais/Le Bossu ou d’un Gérard Philipe/Fanfan la Tulipe. Il manque une profondeur de caractères. Le sensationnel, comme cette chevauchée au bord de la falaise, ou la luxuriance du bal masqué ne sont que prouesses vides. Il manque la marque d’un auteur, son style particulier. Martin Bourboulon a pourtant fait ses armes aux côtés de Bertrand Tavernier ! Les Trois Mousquetaires, D’Artagnan sont un produit, pas une œuvre…

 

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Commentaires

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  1. C’est exactement cela.
    Ami e s cinéphiles passez votre chemin, des chefs-d’œuvre vous attendent dans d’autres salles…

  2. C’est une belle super production somptueuse avec une photo magnifique et une bande son superbe. On y trouve un certain plaisir mais il manque un personnage secondaire essentiel auquel la population roturière s’identifie : Planchet interprété par Bourvil en 1953 et Carmet en 1961. On a finalement un film assez sombre, comme la reine Margot de Chereau sans truculence ni joyeuseté. De plus, l’air du temps style Netflix ajoute des ingrédients dont on pourrait se passer : paraphrase anachronique d’une citation de Churchill sur le déshonneur et la guerre, Porthos présenté comme un bisexuel possiblement zoophile et Aramis sadique qui taille un crucifix façon cure dents pour extorquer un aveu. On attend la suite avec Milady qui est brillante mais pas aussi charmante que Mylène Demongeot. Enfin le cardinal Richelieu n’est pas aussi performant que l’inoubliable Daniel Sorano.

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