La performeuse Rébecca Chaillon met en scène quatre ados, reflet de la jeunesse d’aujourd’hui, dans un spectacle totalement déjanté, où les blagues potaches se mêlent aux harangues que ces jeunes lancent au monde adulte.
Par Bernard Thinat
Le théâtre public, n’en déplaise aux éternels grincheux, donne la parole à la jeunesse actuelle dans sa diversité, celle des banlieues ou des quartiers favorisés, celle de l’immigration, quelles que soient sa couleur de peau ou son orientation sexuelle, cette jeunesse devenue adulte bien plus tôt qu’on ne le pense.
Il en va ainsi de la création de la Directrice du Centre Dramatique d’Orléans, Séverine Chavrier, qui mit en scène en 2020, quatre jeunes orléanais du Conservatoire de musique, souvenons-nous d’« Aria da Capo », spectacle qui tourne encore en France, aux Amandiers de Nanterre ces jours-ci.
Rébecca Chaillon fait de même, dans un genre totalement différent, en créant « Plutôt vomir que faillir ». Au Centre du plateau, une gigantesque assiette, laquelle relevée à la verticale servira d’écran. Côté jardin, trois rangées de micro-ondes qui permettront la cuisson du maïs. Côté cour, un self-service pour la restauration scolaire d’un lycée. Et quatre ados au milieu !
Plutôt vomir que faillir – Photo Marikel Lahana
On débute en classe, par l’appel des présents, et ce n’est déjà pas triste, reflet des incompréhensions avec le monde adulte. S’ensuivront le passage au self, puis des paroles très fortes lancées par cette jeunesse au monde adulte. Il y a là Zakary d’origine algérienne « à la peau blanche » et qui ne parle avec ses parents que par SMS, Chara originaire de Guyane, qui évoque le Suriname, pays voisin, et que la journaliste d’une chaîne d’infos confond avec le surimi, Anthony originaire de Martinique et gay, enfin Mélodie qui par le passé s’est essayée à des jeux télévisés ouverts aux enfants qui viennent chanter, elle c’était Barbara.
Au final, un film, mais en est-ce vraiment un, où nos quatre ados se livrent à des blagues plus que potaches avec grands éclats de rire, il en faut bien pour ne pas désespérer cette jeunesse appelée à vivre sur une terre surchauffée et polluée. Là, on découvre les transformations des corps lors de la puberté, on s’en étonne, on en plaisante…
Quatre jeunes acteurs et actrices bien dans leur peau et dans leur siècle, formidables sur le plateau de la salle Vitez, où le public est très proche de la scène. Dans ce spectacle qui a ravi le jeune public, mais pas que, tout n’est que métaphores. De celui qu’on nourrit de force avec de gigantesques couverts tels les savoirs scolaires qu’on fait ingurgiter aux élèves, ou la bouffe qu’ils préparent dans la cuvette des WC, ou encore ces tours d’ordinateurs au sein desquels chacun s’enfouit la tête, sans doute pour symboliser la civilisation informatique.
De G à D : Anthony, Zakary, Chara et Mélodie – Photo B.T.
Décidément, Rébecca Chaillon fait preuve d’inventivité, d’intelligence, entourée par une équipe de jeunes comédiens et comédiennes qui semblent déjà connaître toutes les ficelles du spectacle vivant.
« Plutôt vomir que faillir » a été créé au CDN de Besançon en décembre 2022. Deux représentations ont eu lieu à Orléans, les mercredi 12 et jeudi 13 avril en soirée, et deux autres pour les scolaires, le jeudi et le vendredi en après-midi.
Rébecca Chaillon sera au Festival d’Avignon en juillet prochain avec son précédent spectacle, « Carte noire nommée désir » que les Orléanais ont pu apprécier en mars 2022 et les Tourangeaux le mois dernier.
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