Grève du 6 avril : quand la musique est bonne…

Omniprésente dans les manifs, la musique accompagne les cortèges depuis le début de la mobilisation. Vecteur d’idée et d’émotion, elle permet de rythmer le pas du défilé tout en étant symbole d’identification pour les manifestants. Un indispensable des contestations.

Par Mael Petit

Quand la musique est bonne bonne bonne la manif sonne souvent bien mieux. Outre les slogans, c’est d’ailleurs le dénominateur commun des défilés réussis pour s’envoyer un max dans les rues de son centre-ville. Demandez donc aux novices de la contestation si le son n’a pas son importance. Quand ils arrivent à un rassemblement, la plupart des curieux se mettent en marge de la foule observant les drapeaux des habitués squattant le point de rendez-vous. Ils observent alors les attitudes des uns pour se fondre dans la masse, pour adopter les codes en prenant la température des différents groupes syndicaux avant que le cortège ne s’élance. 

Mais surtout, chacun écoute. On écoute les discours des porte-parole oui, mais aussi les playlists diffusées par les différents camions des syndicats. Car c’est à ce moment qu’il ou elle prend sa décision. Sans boussole, les manifestants ont tendance à se placer dans le cortège en fonction de la musique proposée. Êtes-vous plutôt ambiance révolutionnaire ou bien pépère-mémère ? Antisystème ou hispanique ? Il y en a pour tous les goûts puisque tous les styles musicaux sont aujourd’hui légitimes dans les cortèges.

Un grand écart générationnel

C’est pourquoi Johnny Hallyday cohabite avec Nathalie Cardone, qui elle-même se mélange au reggae ou aux synthés des années 90. Derrière ce melting-pot musical, l’idée est de représenter tous les citoyens « du fond de la cité HLM à la campagne profonde » comme le clame le groupe HK & Les Saltimbank dans On lâche rien, hymne désormais omniprésent au sein des cortèges. Ainsi les plus anciens défenseurs des traditions syndicales privilégieront une marche aux côtés de la CGT, adepte des chants sur les luttes sociales comme Bob Marley ou des musiques hispaniques sur la révolution. Hasta Siempre est d’ailleurs le signal de départ de la manif à Orléans, la CGT n’hésitant pas à couper la chique au pauvre Pierre Bachelet et ses corons jugés trop tranquilles, au profit du commandante El Che pour chauffer la foule.

Autre ambiance, autre style chez FO. On laisse les plus agités aux autres et on se charge des moins bruyants. La camionnette siglée de rouge abreuve ses suiveurs, plus calmes certes mais non moins connaisseurs, de classiques. Entre Scorpions, Queen, Johnny, Yves Montand ou Goldman, on ne vient pas chez FO pour foutre le boxon mais plutôt pour profiter du bon son. Même une soudaine apparition des serviettes de Patrick Sébastien – réécrites à la sauce retraite pour l’occasion – ne saurait remettre en question leurs certitudes. Manque plus qu’un bon verre de bourbon et un canapé à roulette pour passer une matinée parfaite. Les mauvaises langues diront que ça fait un peu vieillot, mais connaissent pas les bonnes choses du passé les jeunes.

A la CFDT, on met le paquet sur la sono. Photo Magcentre

« Ça se veut moderne mais ça se bouge pas des masses ! » La réflexion signée justement un jeune observateur est acerbe, le jugement est sévère. On parle ici de la CFDT et de ses oranges. Ils ont pourtant tout bien fait : scène, ordi, installation, DJ… mais malheureusement, (trop) sages, leurs supporters ne suivaient pas la cadence. C’est d’ailleurs difficile à expliquer tant la musique diffusée est variée. Artistes français actuels (Stromae, Angèle, Soprano…, beats électro, années 90…) A vouloir ratisser large, on finit par perdre l’auditoire. Le mélange des genres ne semble pas faire bon ménage aux yeux des manifestants, surtout chez les plus jeunes.

Les agitateurs justement nécoutent plus Jean-Pascal depuis un moment mais sont en nombre en queue de cortège, un peu comme à l’école, on se met au fond. On laisse les darons aller au charbon en tête de cortège pendant qu’à l’arrière, on s’époumone à base de slogan anti-gouvernement. On est motivé à se réapproprier Zebda et les chants anti-Macron sont légion. Faut dire que les représentants Solidaires s’en donnent à cœur joie. Ils ont bien compris comment les exciter et pas besoin de jouer de la musique pour les entraîner. “La météo est pourri, le gouvernement aussi“, “Grèves, blocages, Macron dégage “Orléans soulève-toi, Orléans révolte-toi. Un jeu de ping-pong entre ambianceurs et manifestants s’installe pour leur plus grand plaisir. Et c’est comme ça du début à la fin grâce à une pile d’anti-sèches planquée dans la benne du camion. En effet, ça bosse dur en amont mais faudra trouver une parade contre la pluie la prochaine fois, au risque de ne plus pouvoir lire la prose anti-gouvernementale.

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