François Ozon : un crime loin d’être parfait

La petite chanson d’Ozon est toujours la bienvenue. Sa dernière fantaisie, Mon crime, une comédie qui se déroule dans les années 30, accumule acteurs et décors brillants. Reconstitutions du temps et des lieux magnifiques, le film cependant, comme son intrigue, tourne en rond sans trouver l’originalité ou la distance qui en feraient un grand film.

Par Bernard Cassat

Photo de tournage: Ozon, Luchini, Huppert. Photo Carole Bethuel


L’histoire de Mon crime est un vaste quiproquo. Le scénario part d’une pièce de théâtre de 1934 de Georges Berr et Louis Verneuil. François Ozon exploite donc la filière du théâtre de boulevard. Trop amoureux du cinéma, il sort bien sûr du cadre et fait appel à une esthétique très américaine des films de l’après-guerre. Son Paris des années 30 fait penser à la façon dont Hollywood montrait cette ville (Un américain à Paris, Irma la douce, par exemple, ou encore plein d’autres films des années 50-60), avec des petites chambres sous les toits de zinc sur lesquels on va parler d’amour.

Les années 30 comme si on y était

Toute la reconstitution minutieuse de cette période années 30, autant les rues populaires que les somptueuses villas art déco, entraîne dans le plaisir fondamental du cinéma, faire vivre en images un autre lieu, une autre époque. Mais aussi elle fait entrer dans la magie de cet art. La réalité est bien loin, mais, bien plus important, toute l’histoire du cinéma est présente. On est dans l’entertainment, dans un monde parallèle, pas loin d’une comédie musicale sans chanson ni danse. Mais il y a le même tourbillon des acteurs, auxquels François Ozon donne toujours beaucoup d’importance. Le casting est ici magnifique : la vieille génération (Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, André Dussollier), les intermédiaires (Dany Boon) et les plus jeunes (Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Edouard Sulpice, Félix Lefebvre). Même les petits rôles sont tenus par des acteurs accomplis (Olivier Broche, Suzanne de Baecque, Daniel Prévost, Evelyne Buyle par exemple).

Jouer la comédie pour exister

Les décors sont à la hauteur du casting, pour des images si brillantes qu’elles renvoient l’histoire au second plan. Mais on est là aussi dans du cinéma qui parle du cinéma, comme adoraient le faire les films américains de référence. L’histoire repose sur une mise en abîme. La jeune héroïne, actrice qui n’arrive pas à percer parce que sans doute un peu médiocre, est propulsée par le crime dans le monde des grandes vedettes, parce qu’elle est obligée de bien jouer son rôle devant le tribunal. Ascension sociale, de la rue Jacob aux beaux quartiers. Success story, forcément. La petite actrice épouse le fils de l’industriel et triomphe au théâtre. En emmenant sur scène à ses côtés l’actrice déchue du muet qui retrouve une nouvelle gloire. Elles en font beaucoup, tout de même, dans le film. Surtout Isabelle Huppert, dans des costumes insensés, inspirés de ceux de Sarah Bernhardt.

Dany Boon en marseillais avec l’accent et Fabrice Luchini. Photo Carole Bethuel


Mais où est le piquant d’antan ?

Malgré la brillance et l’énergie qui parcourt ce film, il manque un petit quelque chose pour être totalement ravi. Sans doute une distance, une profondeur, un recul. Certes en prise directe avec l’actualité et les revendications des femmes dans le milieu du cinéma, ce monde de la fantaisie et du spectacle tourne un peu trop sur lui-même, donc un peu trop en rond. La magie des chansons dans Huit femmes apportait un piquant qui manque à ce crime. Certes François Ozon manie brillamment le cinéma, mais est-ce que ça suffit ?


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Commentaires

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  1. “Certes François Ozon manie brillamment le cinéma, mais est-ce que ça suffit ?” Exact. Cela ne suffit pas. Il manque avant tout l’émotion et c’est bien dommage. Cela donne envie de revoir avec jubilation Le crime de monsieur Lange d’un certain Renoir assisté de Prévert.

  2. On attend avec impatience la sortie du prochain film parfait de Monsieur Cassat….

  3. J estime le commentaire très sévère… voilà un film accompli ou les acteurs sont tous formidables dans un décor impeccable,et des sujets faisant résonnance avec notre époque.la magie opère vraiment.

  4. Un film léger et divertissant comme un tour de valse
    De nos jours c est bienvenue
    Merci

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