François Gemenne : « L’écologie est fondamentalement progressiste et révolutionnaire ! »

Le scientifique et politologue belge, spécialiste de la lutte contre le changement climatique, est venu mobiliser les troupes écologistes à Orléans pour appeler à l’action tout en dépassant les dogmes et les postures idéologiques. Pour lui, il n’est pas encore trop tard !

Par Jean-Jacques Talpin

Acteur du combat municipal d’Orléans en 2020, l’association OSE (Orléans Solidaire Écologiste) s’était depuis quelque peu recroquevillée dans sa coquille. Mais son président Jean-Philippe Grand a décidé de relancer la machine et de faire vivre l’association au travers de conférences ou d’initiatives environnementales. La première soirée qui vient de se tenir avait pour invité-vedette François Gemenne, chercheur belge, spécialiste de la lutte contre le changement climatique, des migrations climatiques et environnementales et par ailleurs prof à Sciences-Po, co-auteur du dernier rapport du GIEC et accessoirement star des médias.

Une master-class

A l’occasion de la sortie de son dernier livre (L’écologie n’est pas un consensus : dépasser l’indignation), il est venu délivrer mardi soir sa master class avec des messages parfois dérangeants ou déroutants. Celui qui fut directeur scientifique de la dernière campagne présidentielle de Yannick Jadot ne veut en effet pas se contenter de constats, de l’indignation ou de « postures idéologiques ». « Presque tout le monde, explique-t-il, a conscience du changement climatique, 85 % des gens sont anxieux face à la question climatique. Il y a donc un énorme consensus mais seuls 31 % considèrent qu’il s’agit d’une priorité politique avec la mobilisation d’un électeur sur 6 ou 7 : il y a donc un énorme décalage entre savoir et agir ».

Jean-Philippe Grand et François Gemenne. Photo Magcentre

« L’ennemi, c’est le nationalisme ! »

Pour cela, il veut « casser le plafond de verre de l’écologie » considérée comme « un truc de riches » qui nous promet des lendemains noirs « avec des sacrifices et des efforts à fournir ». Il souhaite au contraire mobiliser l’électorat autour des « co-bénéfices » de la lutte contre le changement climatique : « Certes, l’écologie est bonne pour le climat et la planète, mais elle doit aussi être bénéfique pour nos intérêts personnels, notre santé, notre qualité de vie ». Le futur de la lutte climatique passe ainsi par cette vision et par un « récit politique pour un projet qu’on peut embrasser ».

Pour tempérer le constat, il rappelle que la France ne génère que 0,9 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’Europe 15 %, sans doute 10 % en 2030 et moins de 5 % en 2050. Pour François Gemenne, l’ennemi principal de la lutte contre le changement « c’est le nationalisme ». « On ne gagnera pas ce combat à Paris, explique-t-il, le futur du climat de la France ne se décide pas ici mais au Caire, Lagos, Mexico, Jakarta. A quoi ça servirait de créer un îlot décarboné en Europe dans un océan mondial carboné ». Il veut donc que ce combat soit « cosmopolistique » à l’échelle de la planète et notamment des pays du sud. Mais il envoie aussi un message perturbant pour les plus radicaux : « Certes l’écologie est fondamentalement progressiste et révolutionnaire mais on n’a pas le temps de s’enfermer dans des postures idéologiques ».

« On peut encore y arriver »

Bien sûr « le système productif capitaliste est responsable de la hausse des températures mais on n’a pas de système alternatif à mettre en œuvre. Quand on a crié “mort au capitalisme”, on fait quoi après ? » se demande-t-il. Et pour insister : « Tout le monde sait que la maison brûle mais pour éteindre l’incendie et aider les pompiers, il ne suffit pas de crier au feu ! ». Et cela tout en rappelant la responsabilité dans les émissions de CO2 sur la planète de grandes entreprises françaises comme Total, BNP Paribas, Renault-Nissan, Lafarge-Holcim ou Carrefour. Il appelle donc à soutenir toutes les initiatives, de tous les acteurs, à former les élites économiques et politiques pour « sortir de la logique productiviste ». « Il faut, clame-t-il, jeter toutes nos forces dans cette bataille : c’est la responsabilité qui incombe à notre génération », avant de conclure avec ce message d’espoir : « Il est encore possible d’y arriver ! ».

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Commentaires

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  1. Il a parfaitement raison concernant le fait qu’un acte isolé n’aurait pas d’impact significatif, au global.
    Il a parfaitement raison aussi d’affirmer que le combat pourrait se gagner tous ensemble et pas de façon isolée.
    Il est hélas trop optimiste pour affirmer qu’il n’est pas trop tard, si pas trop tard signifiait que tout ou presque de ce que nous vivons maintenant, pourrait se maintenir en l’état ou presque.
    Il est définitivement trop tard pour songer et croire que la vie que nous connaissons, telle qu’elle est actuellement, pourrait se maintenir, dans les conditions d’environnement que nous vivons actuellement.
    Par contre, il n’est pas trop tard, pour tenter de ralentir, une tout petit peu, l’évolution des processus en cours, pour se donner, un petit peu de temps additionnel, pour essayer de s’adapter, au mieux du possible, en laissant surtout, le vivant de la planète, le temps de s’adapter aussi, autant que cela ne soit possible.
    L’évolution des processus en cours est inéluctable. Le facteur “inertie” ne laisse aucun suspens, aucune possibilité, aucune marge de manoeuvre, pour les évolutions à venir. Il n’existe aucune technologie, aucune invention savante qui pourrait s’opposer aux facteurs inertiels et encore moins à l’exposition de rétro actions positives qui demeurent l’inconnu, le facteur déterminant, pouvant provoquer, à tout instant, une éventuelle divergence et donc le pire.
    La communauté du vivant actuel, incluant le vivant vit actuellement sur notre planète, sans aucun filet et avec une échéance sombre et très proche.
    Puissions-nous sortir collectivement de ce déni endémique et démarrer une économie de guerre collective et tous unis, contre le réchauffement climatique, donc contre nos mauvaises habitudes de notre mode de vie actuel.

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