Crise de la médecine libérale : « Pour bien soigner, un médecin doit être en bonne santé ! »

La santé traverse une crise qui touche patients, hôpital et médecine de ville. Magcentre a sollicité l’avis du Docteur Pierre Bidaut, Président de l’Union Régionale des professionnels de santé de médecine libérale de la Région Centre-Val de Loire sur différents événements concernant l’actualité du monde médical libéral.

Propos recueillis par Jean-Paul Briand

Manifestation des professionnels de santé (Photo Magcentre)

Magcentre : Le 14 février dernier, la manifestation des médecins a été qualifiée d’historique. Elle associait tous les syndicats, les collectifs protestataires, et même l’Ordre nationale des médecins. A quoi est due cette exceptionnelle union sacrée ?

Dr Pierre Bidaut

Dr Pierre Bidaut : Il faut rappeler qu’un généraliste travaille en moyenne 55 heures minimum par semaine. Or, pour bien soigner, un médecin doit être en bonne santé ! Ce que demandent les médecins, dans le cadre d’une démographie médicale qui va continuer à décroître dans les années qui viennent, quoi que nous fassions, ce sont les moyens de donner accès aux soins à toute la population mais sans mettre leur propre santé en danger ni celles des patients. Or, le gouvernement et l’Assurance Maladie demandent aux praticiens de travailler encore plus sans prendre en compte le contenu, la pénibilité, la durée, la complexité et la charge actuelle de travail. La manifestation, qui a mobilisé plus de 10 000 médecins de toutes générations, témoignait du malaise et de la souffrance du monde médical.

Il y a quelques jours, l’Union régionale des médecins libéraux de la Région Centre-Val de Loire (URPS ML CVL) a adressé une lettre de mise en garde au ministère de la Santé, à la Direction générale de l’offre de soins et à la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) concernant le devenir des communautés professionnelles territoriales de santé* (CPTS). Pourquoi ? 

Dès 2017, notre URPS s’est investie dans la promotion des CPTS* auprès des professionnels de santé de la région. Elle a informé sur le concept, proposé des territoires, soutenu et aidé les professionnels de santé dans leurs projets, négocié avec l’ARS les financements. Dans ce même cadre, l’Assurance maladie a négocié un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) avec les représentants des autres professions de santé. Cet ACI faisait porter quasi exclusivement les missions socles des CPTS, dont la réalisation conditionne les financements, sur les médecins généralistes. Et depuis, chaque avenant à cet accord augmente un peu plus les contraintes imposées à ces mêmes médecins généralistes. Le résultat est que des CPTS se vident de leurs médecins, que des collectifs et des syndicats incitent les médecins libéraux à quitter les CPTS. Il était urgent que le gouvernement en prenne conscience !

Les négociations entre la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) et les syndicats des médecins libéraux pour la nouvelle convention sont terminées. Les représentants médicaux devaient donner leur réponse au plus tard le 28 février avant minuit. La plupart des syndicats, dont le premier syndicat des médecins généralistes, refusent de signer. Que va-t-il se passer ?

Le directeur de la Cnam, Thomas Fatôme, souhaitait mettre en œuvre les directives gouvernementales dans la nouvelle convention liant la Sécu aux médecins libéraux. Il conditionnait l’amélioration de la rémunération des médecins à la signature d’un
« engagement territorial » les obligeant à augmenter encore plus leur activité. Les médecins qui ne pourraient ou ne voudraient souscrire cet « engagement », n’auraient eu que 1,50 € de mieux sur le tarif de la consultation (datant de 2016) et qui, de plus, resterait bloqué jusqu’en 2027. Cette proposition était inacceptable et les chances que cette convention soit signée étaient infimes. Lorsqu’il n’y a pas d’accord conventionnel, la loi prévoit que le ministère de la Santé nomme une personnalité qui rédige un « 
règlement arbitral » minimal. Ce texte prend alors le relais de l’ancienne convention jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit enfin signé.


*  Une Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) regroupe les professionnels de santé libéraux d’un territoire et vise à faciliter la coordination des soins ambulatoires.
Les Unions Régionales de Professionnels de Santé


Les Unions Régionales de Professionnels de Santé (URPS) sont des structures associatives loi 1901. Elles ont été créées par la loi HPST (Hôpital Patient Santé Territoire) de juillet 2009. Conjointement avec les Agences Régionales de Santé (ARS), elles ont pour rôle de faire appliquer par les professionnels de santé libéraux les politiques de santé.

Chaque région est dotée d’une URPS par profession de santé : médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens d’officine, sages-femmes, infirmiers, kinés, orthophonistes et orthoptistes.

Les membres des URPS sont élus pour un mandat de 5 ans sur des listes syndicales. La cotisation aux URPS est obligatoire pour tous les professionnels de santé libéraux. Elle est prélevée annuellement par les URSSAF.

La Fédération des URPS Centre-Val de Loire rassemble 8 500 professionnels de santé libéraux de la région. Elle accompagne les professionnels de santé et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) dans l’organisation, la coordination et la qualité des soins.

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