« Paul Verlaine, mon mari » par Julien Joubert

La ville d’Ormes accueillait Paul Verlaine (1844-1896) samedi 28 janvier à l’espace des Carrières. Une belle salle riche en couleurs et en lumières offrait un écrin de choix pour le spectacle musical de Julien Joubert. Sur un texte écrit par l’épouse du célèbre poète et dit par Delphine Chuillot, comédienne, trois ensembles vocaux accompagnés d’un piano et d’une contrebasse, ont contribué à mettre en valeur un bien curieux personnage tout en contrastes et en dissonances.

Par Anne-Cécile Chapuis

Concert du 28 janvier à Ormes, avec la comédienne Delphine Chuillot au centre, applaudie par ses partenaires. Photo AC Chapuis

Dans la famille Joubert, je voudrais le fils aîné… Julien Joubert appartient à cette famille de musiciens orléanais qui dynamisent la cité johannique. Son père a dirigé longtemps le conservatoire d’Orléans, sa mère y était pianiste et son frère Clément est chef d’orchestre. Lui est pianiste, chanteur, professeur et bien sûr compositeur. Un compositeur inclassable, comme il s’en revendique lui-même, produisant des musiques de tout style, de la musique symphonique à la comédie musicale, en passant par la mélodie ou l’opéra pour enfants, les pièces chorales ou la musique de film.

Un poète maudit

Avec « Paul Verlaine mon mari » c’est tout un propos sur la poésie intimement liée à la musique, toute une résonance en clairs obscurs sur un « poète maudit » comme Verlaine se définissait lui-même, tout un contrepoint entre vie publique et vie privée. La parole est confiée à Mathilde Mauté, épouse du poète pendant quatre ans, interprétée avec beaucoup de justesse et simplicité par Delphine Chuillot. Nous y découvrons les dessous d’une vie tumultueuse qui a conduit Paul Verlaine des plus hautes sphères de la société jusqu’à la prison, dans ses relations empreintes de passion voire de brutalité à l’égard de son épouse, sombrant dans l’alcool et terminant sa vie au ban de la société, « joyeux dans le malheur, grave dans le bonheur » (Child wife). Comment un être si brutal a-t-il pu écrire des poèmes aussi raffinés ? Julien Joubert lui-même le confesse : « Je n’en finis pas de découvrir et m’interroger sur Paul Verlaine. »

Verlaine mon mari” commenté par le compositeur. En arrière-plan : Marie-Noëlle Maerten, cheffe de chœur. Photo AC Chapuis

Un « spectacle musical » qui porte bien son nom

Le spectateur est emporté sur les ailes d’une musique, en pleine harmonie avec les textes, qui vient ponctuer le récit. A moins que ce ne soit le contraire… Le « spectacle musical » ainsi intitulé offre une continuité, un discours qui tour à tour suscite l’intrigue ou crée une atmosphère paisible, où l’on peut se laisser bercer par les douces harmonies pourtant complexes des compositions autant que l’on s’indigne des témoignages entendus. Un contraste à l’image du poète.

Des interprètes à la hauteur

Les trois ensembles « la bonne chanson », le « chœur de jeunes de la musique de Léonie » et le « chœur de femmes de l’école de musique d’Ormes » sont magnifiquement dirigés par Marie-Noëlle Maerten : une direction souple, précise, efficace et très musicale qui fait le lien entre trois ensembles et leur permet de donner le meilleur. Un beau travail d’articulation rend les poèmes accessibles, les rythmes souvent syncopés donnent relief aux harmonies subtiles et à l’art des dissonances dans lequel Julien Joubert excelle. La musique est là, soutenue par une belle conjugaison entre un compositeur/pianiste qui n’hésite pas à chanter ou faire chanter le public, une comédienne qui fait exister une épouse tout en modestie, souffrance ou désir, des choristes engagés avec des jeunes qui font du bien au chant choral, des instrumentistes talentueux soutenant le propos. (belle présence de Christophe Andrivet à la contrebasse aux côtés du pianiste virtuose)

La contrebasse de Christophe Andrivet et Julien Joubert. photo AC Chapuis

Le spectateur ne s’y trompe pas, réservant un accueil chaleureux à Paul Verlaine.
« Vous n’avez rien compris à ma simplicité », écrit-il dans Aquarelles. Non, sans doute, mais nous l’avons approchée, avec bonheur, l’espace d’une soirée à Ormes.

 

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