Un violon peul pour un concerto de chambre

Violoniste, compositeur et jazzman, Clément Janinet s’est intéressé aux musiques africaines. Il a rencontré Adama Sidibe à Bamako en 2020. Ils ont petit à petit élaboré le projet Concerto pour Sokou dans le cadre du Festival Africolor. Et sont venus le jouer samedi après-midi à la Scène nationale d’Orléans, devant un public nombreux et conquis.

Par Bernard Cassat

Adama Sidibe et Clément Janinet. Photo Clément Janinet

Pour compléter les compositions que Clément et Adama ont mises sur pied au Mali, Clément a fait appel à trois amis instrumentistes, le contrebassiste Joachim Florent, le violoncelliste Clément Petit et le clarinettiste Hugues Mayot. Formation dominée par les cordes, comme un quintet de chambre. Mais le sokou, ce petit violon sub-saharien à une seule corde, a un son étonnamment plus proche de la clarinette que des autres cordes. D’ailleurs, dans plusieurs morceaux, les deux instruments dialoguent avec humour. Et puis les instrumentistes européens, tous quatre rompus aux impros jazz, se glissent facilement dans ces blues du désert dont les Maliens sont les maîtres. Développements répétitifs lancés par le sokou auxquels les autres répondent en chœur, sur la structure de beaucoup de gospels et dont le blues américain a fait son miel. C’est là que l’Europe a rencontré l’Afrique. Mais le groupe va bien au-delà. En partant de la rudesse épurée d’Adama évoquant son troupeau de chèvres, certains morceaux se développent vers une ambiance franchement club de jazz, surtout quand le clarinettiste se lance dans des envolées de grande ampleur soutenues par une contrebasse quasi be-bop.

Un petit archet en forme d’arc

Le répertoire du groupe est large. Un magnifique moment de violoncelle soutenu par le sokou, ou un dialogue entre les deux violons ponctuent les morceaux collectifs. Et Adama de temps en temps s’empare de la musique, se lève et vient regarder ses collègues et le public dans les yeux, danse et fait des prouesses, puis réintègre le groupe tranquillement pour reprendre le dialogue musical. Avec son tout petit archet en forme d’arc, il tire des sons étranges soit hachés, soit presque continus qui s’accordent facilement avec les cordes européennes. Clément Janinet pince d’ailleurs très souvent les cordes de son violon pour suivre son copain malien. Et parfois les cordes de musique classique jouent peul, comme dans l’un des derniers morceaux : pincements de contrebasse, grattage de violoncelle retrouvaient des sons d’instruments africains.

Le quintet de chambre. Photo du teaser. Clément Janinet

C’est dans de tels échanges que cette musique est riche de tous les héritages, riche de sa modernité surtout. L’imbrication complexe de pratiques différentes trouve un magnifique accord. Formation parfaitement équilibrée, à la fois légère, entrainante et profonde. Grand défenseur de la culture peul, Adama Sidibe a choisi de la mélanger pour la sauver. Et de l’inscrire ainsi dans le monde.

Concerto pour Sokou

En concert mardi 31 à la Scène nationale de Châteauroux

L’enregistrement sortira le 24 février

Pour tout renseignement : https://www.clementjaninet.site/

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Orléans : un formidable Cri du Caire

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