Dans le Loiret, un restaurant de la petite commune de Dordives s’était reconverti illicitement en pension pour personnes âgées. Suite au signalement du maire, fin 2022, l’infâme et occulte établissement a été mis sous scellés et une enquête ouverte. Ce cas sordide illustre ce que peuvent parfois endurer des vieillards en perte d’autonomie.
Par Jean-Paul Briand
La Maltraitance
Le terme de maltraitance est d’un usage relativement nouveau. Les premières occurrences connues du mot « maltraitance » apparaissent en 1976 mais existent dans les dictionnaires usuels français qu’à partir de 1992. Sa définition juridique est encore plus récente. Ce n’est qu’avec « la loi Taquet » du 7 février 2022 qu’une définition de la maltraitance fait son entrée dans un Code. L’article 23 de cette loi dit que
« la maltraitance au sens du présent code vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement ».
Le fait divers scandaleux et honteux de Dordives a eu lieu dans un établissement clandestin. Des faits quasi identiques, dénoncés dans « Les Fossoyeurs », livre de Victor Castanet, existent dans des structures pour personnes âgées parfaitement agréées, ayant pignon sur rue. Néanmoins dans la très grande majorité des cas, les sévices envers les aînés se produisent au sein des familles. Dans le huis clos familial, les violences restent des secrets bien gardés. C’est vrai pour les violences conjugales, pour les pratiques incestueuses mais aussi pour les mauvais traitements envers les anciens gardés à domicile.
L’aidant dépassé
Cette maltraitance est rarement expliquée par l’égoïsme, la cupidité ou une violence gratuite. Elle est très souvent la conséquence des difficultés rencontrées par la personne qui prend en charge le membre de sa famille âgé et dépendant. L’aidant peut être totalement dépassé par sa tâche de soignant à laquelle il n’est pas préparé. L’épuisement physique, psychique et moral conduit alors à un authentique burn out. L’une des trois dimensions du burn out est une déshumanisation inconsciente avec détachement émotionnel où les négligences et la maltraitance ne sont plus perçues comme telles.
Ce comportement choquant serait une manière de se protéger de la “sur-sollicitation” et de la surcharge de travail.
Le vieillissement de la population est un fait de société incontournable. Les anciens veulent très majoritairement finir leur vie dans leur domicile. La première des maltraitances est leur placement autoritaire en institution. La promesse a été faite par le Président Macron de mettre en place une loi sur le grand âge. Si cet engagement est enfin tenu, sa priorité devra être le maintien à domicile des personnes âgées.
Comme l’avait lucidement proposé le rapport « Grand âge, le temps d’agir », l’accompagnement et le soutien des proches aidants sont indispensables afin d’assurer des conditions de dignité et de bientraitance.
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