2022, l’année qui rejoua les fractures de 2017

Feue Elisabeth II avait connu son « annus horribilis » avec les frasques conjugales de ses héritiers. Orpheline d’un leader national incontesté, dépouillée de son programme économique par le Président sortant, la droite française a traversé 2022 en zombie, perdant même un bastion de plus d’un demi-siècle comme le Loiret. Mais à l’inverse de l’habitude sous la Ve République, la gauche n’a pas profité des malheurs de la droite, laissant le devant de la scène aux avatars d’une majorité présidentielle relative et d’un courant lepéniste au premier rang de l’opposition.

Un dernier tour d’horizon d’une année électorale marquante à toutes les échelles, avant de passer à une autre séquence incertaine.

Par Pierre Allorant

Assemblée Nationale

L’annus horribilis de la droite

Sortie exsangue des primaires de 2017, de la victoire mortifère du Tartuffe de la Sarthe sur Juppé et Sarkozy, puis de l’effondrement moral du spécialiste des vestes de luxe de seconde main et des emplois fictifs conjugaux, la droite espérait se refaire une santé face à un président sortant affaibli par les crises à répétition et par son exercice solitaire du pouvoir. C’était sans compter sur l’explosion en vol de sa candidate, aussi peu à l’aise dans sa campagne qu’un Balladur, naguère, dans le métro, perdue dès son décollage telle une fusée Vega-C d’Ariane.

Passée sous les radars des 5% et maniant désormais le vocabulaire zemmouro-complotiste du « Grand remplacement », la droite française semble se jeter dans un trumpisme de seconde division au moment où il sombre enfin outre-Atlantique. Toutefois, elle n’a pas disparu du paysage hexagonal, mais ses députés cherchent leur voie face à un gouvernement qui, du recul de l’âge de la retraite à la double peine, met en œuvre ce dont elle a toujours rêvé. Le message est inaudible électoralement, et ainsi dans le Loiret, LR et UDI sont passés, en peu d’années, du grand chelem à l’absence totale au second tour, au profit du macronisme dans la métropole d’Orléans, du lepénisme ravalé en « populisme light » de Montargis à Gien et Romorantin, frôlant la victoire à 11 voix près à Pithiviers.

La victoire en trompe l’œil du « progressisme »

Si Emmanuel Macron a réussi la performance de devenir le premier président de la République réélu depuis l’instauration du quinquennat, là où avaient échoué ses deux prédécesseurs, et où Mitterrand et Chirac n’avaient été ressourcés que grâce à une cohabitation régénérante, il a échoué à obtenir une majorité absolue à l’Assemblée pour avoir les coudées franches et « réformer » le pays. En Centre-Val de Loire et dans le Loiret, les apparences sont trompeuses, car la majorité sortante a continué à dépecer une droite en lambeaux, du Vendômois au Pithiverais, bien que contrainte à partager les dépouilles avec les fils de la Louve dédiabolisée.

Si les institutions de la Ve République assurent une stabilité que le Royaume désuni d’outre-Manche peut nous envier, ce bateau ivre qui tangue sous l’effet des beuveries confinées du 10 Downing street, l’usage à répétition du « vote bloqué » ne saurait tenir lieu de ligne politique. Le jeu est figé par les postures et empêche la droite d’assumer au moins ses convergences économiques et sécuritaires avec sa « diaspora » partie en terre macroniste (Le Maire, Darmanin), et la gauche de peser sur les trop timides choix sociétaux de la majorité relative (transition écologique, fin de vie, protection constitutionnelle de l’IVG). Bref, peu de « majorités d’idées » chères à Edgar Faure, encore moins de « nouvelle société » à la Chaban-Delmas, du fait d’une vie politique bloquée.

Une Nouvelle Union problématique : les désarrois de la Nupes

Dans ce tableau, la situation la plus gazeuse est celle des gauches qui, après la Bérézina d’une nouvelle absence du tour décisif des Présidentielles, la 3e du XXIe siècle après 2002 et 2017, ont cru sauver les meubles en s’agrippant surtout à leurs propres sièges. Le naufrage tragicomique de la primaire triomphale de Taubira, le suicide collectif de la campagne de la maire de Paris, le crime passionnel de Sandrine Rousseau calcinant au barbecue Yannick Jadot, peu de désillusions auront été épargnées au « peuple de gauche » en 2022, qui, de guerre lasse, et souvent en tordant le nez devant le parfum autocratique de marque russe du « leader maximo », auquel tous se soumettent, a massivement tenté d’éviter la réplique vaine et dangereuse du second tour de 2017.

Transformer le bon score de Mélenchon en alliance aux législatives allait de soi pour éviter la disparition de toute représentation, mais de là à se fondre et à mettre sous le tapis l’Europe, l’Ukraine et la démocratie interne, la ficelle était sans doute un peu trop épaisse. Le résultat législatif a d’ailleurs été contrasté, singulièrement en terre ligérienne où seuls le Vert tourangeau Charles Fournier et le très implanté maire communiste de Vierzon ont été sauvés des basses eaux électorales, sans faire barrage à la crue lepéniste dans la Venise du Gâtinais qui a noyé la praline Blanquer. Et il a fallu les positions scandaleuses face à l’affaire Qatennens et la dérive gérontocratique du Brejnev de LFI pour réveiller l’esprit critique et les velléités d’autonomie d’une gauche social-démocrate et écologiste. Preuve, s’il en était besoin, après la remontada Mbappéiste de dimanche dernier, que c’est quand tout désespère qu’il faut commencer à préparer les lendemains qui chantent pour un débat démocratique revivifié.

Sans attendre d’obtenir le 22 à Asnières. 22, voilà 2023 !

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