“Music all”: Rencontre avec le cabarettiste Jérôme Marin

Autour du spectacle Music all présenté mercredi 21 et jeudi 22 à la Scène nationale d’Orléans, Magcentre a rencontré Jérôme Marin. Il nous a parlé de son parcours et de son amour du cabaret, cette forme de spectacle qui se déroule très près du public et fait briller la fête. Même si Music All est plus théâtral, le spectacle conserve des ressorts du cabaret que les artistes créateurs et interprètes renferment au fond d’eux-mêmes.

Par Bernard Cassat

Jerôme Marin dans son répertoire du Secret. Photo Le Secret Paris

Jérôme Marin a commencé sa vie d’artiste en inventant Monsieur K. « Ca vient de plein de choses. De Kabaret, de Kurt Weil et de Karl Valentin. Je trouvais que ça faisait beaucoup de K…». Donc une référence importante aux années 20-30 en Allemagne. « Très jeune, j’ai eu ce fantasme des années berlinoises. J’ai eu envie d’explorer ce répertoire. J’ai fait le lycée Voltaire option Arts et on avait Karl Valentin au programme du bac. C’est un auteur munichois du début du XXe qui travaille sur l’absurde. J’ai trouvé ça intéressant… Il écrivait des textes, ou plutôt des canevas et après, il se laissait porter par la rencontre du soir, la rencontre avec le public. Ca m’a beaucoup interrogé. J’ai tout de suite voulu vivre cela, jouer dans les bars à Orléans, et mon apprentissage vient de là. Assez tôt, vers 98. » Ensuite, Mr K a évolué. Et maintenant, Jérôme a sa propre proposition de cabaret. « Ca s’appelle Le secret. Je continue les chansons aussi. C’est un peu ma petite sucrerie. »

Une relation au public tout à fait particulière

Ce qui l’attire le plus dans le cabaret, c’est la relation au public. Dans Le Secret, par exemple, « les loges sont à vue, les gens sont accueillis par les créatures. On se change, on s’habille à vue. Comme si on jouait à la dînette. On joue comme des gamines. Les gens mangent, boivent et il se passe quelque chose autour d’eux, au milieu d’eux. Il y a ce rapport très particulier au public. Je n’aime pas le mot mise en scène dans ce cas-là, mais plutôt une mise en public du spectacle. C’est beaucoup plus intéressant de l’aborder comme ça. Le jeu de faux-semblant en est encore plus troublant. »

Dans Music all, des petites filles jouent jusqu’au bout  la déliquescence. Photo Gregory Batardon

Mais pourquoi lui, Jérôme Marin, a choisi cette voie plutôt que le théâtre pur ? « C’est une forme qui m’a convenu et j’ai aimé l’apprendre en la faisant. Il n’y a pas d’école. La seule chose qui est nécessaire pour un artiste de cabaret qui va monter sur scène, c’est le désir. Sans désir intime de proposer quelque chose, ça ne peut pas fonctionner. Il y a le faux-semblant, mais s’il n’y a rien derrière, s’il n’y a pas de fond, ça va très rapidement se démasquer. »

Mais il y a un gros moteur qui est l’humour, le rire, non ? « Ah moi, je dirais plutôt le divertissement. On est là pour passer un moment agréable, avec un côté anti-sinistrose. Beaucoup de caresses, beaucoup d’affection. D’habitude les gens sont passifs pendant un spectacle. Pas là. Tout est sujet à jeu. L’entrée du public, l’accueil. Il y a des attentions particulières données à des moindres choses, pour que les gens se sentent bien dans cette soirée éphémère. J’aime faire quelque chose qui ne ressemble pas à la veille, et qu’on garde des souvenirs exceptionnels. Des moments brillants…. Une fête, une célébration, que les gens soient heureux, et que tout le monde soit au même niveau de fête. J’y tiens beaucoup. Sinon la fête n’a pas la même saveur… »

Music all, un spectacle sur scène avec décors et lumières

Le spectacle présenté mercredi et jeudi à la scène nationale, Music all, n’est pas tout à fait du cabaret, puisqu’il se déroule dans une salle de théâtre. « Oui, c’est un spectacle sur scène. Un jeu de massacre qui se situe sur une aire d’autoroute, autour de jeux d’enfants. Un lieu impersonnel : vie en toc, en plastique, en métal. Et puis les buissons au fond. On ne sait pas ce qui s’y cache. C’est un non-lieu de vie. On s’est dit que pour évoquer la brillance, l’effroi du music-hall et du show biz, ça allait bien. On avait envie d’attaquer cela par le truchement de ces petites filles infernales qui s’ébrouent sur de la techno. Tout est un peu comme ça, les figures arrivent, passent, s’effacent, surgissent. C’est continuel, des montagnes russes jusqu’au délitement le plus total, un champ de ruines…

Music all. Photo Gregory Batardon

Ce n’est pas de la danse, pas du théâtre, pas de la chanson, c’est une traversée du music-hall. L’idée du spectacle de trop. Pour que le spectacle soit efficace, le show biz formate et essore les artistes jusqu’à la fin. On a plein d’images comme ça. L’une me touche plus particulièrement. Quand on a commencé à travailler tous les trois, Joséphine Baker entrait au Panthéon. Elle a quand même été obligée de remonter à 70 ans sur scène pour pouvoir nourrir ses enfants, et elle en est morte. C’est assez bouleversant. Cette idée du spectacle de trop, comment on va vers la chute. Monsieur K avait déjà ça en lui, un personnage déchu. »

Pour créer ce spectacle à trois, un canevas a d’abord été écrit. « Puis sur scène, une grande improvisation. Pour que la matière soit tout le temps vivante, que ça se frite, que ça s’asticote. Et à chaque fois on remet l’ouvrage sur la table. Ca c’est génial. Mais il y a des choses qui sont précises quand même. Musicalement, il y a un gros travail de son fait par Ilel, avec en plus les lumières, les décors, le sol qui reflète, qui dédouble comme un miroir. C’est très corrosif, on va très loin… »

On va découvrir ce « jeu de massacre ». Et peut être un jour Le secret à Orléans, si un lieu se manifeste ?

Music all

Conception Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle, Jérôme Marin
Interprétation Marco Berrettini, Jonathan Capdevielle, Ilel Elil, Jérôme Marin, Franck Saurel
Composition musicale Ilel Elil
Assistant artistique Louis Bonard
Scénographie, lumières Bruno Faucher
Costumes Colombe Lauriot Prévost
Assistante costumes Lucie Charrier
Construction modules MC 2 – Grenoble
Décoration modules Daniel Martin
Réalisation haie végétale Atelier Vierano
Régie lumières Jean-Philippe Roy
Création sonore Vanessa Court
Régie générale Jérôme Masson


Mercredi 21 décembre 19h, jeudi 22 décembre 20h30 − Salle Barrault
Tarifs de 5€ à 25€, détails et renseignements ici
Durée 1h50

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Scène nationale d’Orléans, la saison 22-23

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