« C’est parfois la peur de la mort qui pousse les hommes à la mort » Épicure
Voulue par le Président Macron, le vendredi 9 décembre 2022, la convention citoyenne sur la fin de vie a débuté à Paris sous la gouvernance du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Ses travaux vont-ils ouvrir la voie à l’euthanasie active et à la dépénalisation de l’aide au suicide pour les malades incurables ?
Par Jean-Paul Briand
Valéry Giscard d’Estaing a légalisé l’IVG, François Mitterrand a aboli la peine de mort, Jacques Chirac a supprimé le service militaire, Nicolas Sarkozy a popularisé le nettoyeur haute pression Kärcher, François Hollande a autorisé le mariage des couples de même sexe. La grande réforme sociétale d’Emmanuel Macron sera-t-elle de permettre l’euthanasie ?
La législation française
Plusieurs pays ont modifié leur législation concernant les malades incurables en fin de vie. La Suisse, huit états des États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, les Pays-Bas, la Belgique, le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Colombie et le Luxembourg ont légalisé l’euthanasie active et/ou autorisent le suicide assisté. La législation française va-t-elle s’inspirer de certains de ces pays pour modifier son Code pénal ? Au regard de la loi française en vigueur l’euthanasie active, qui consiste à donner la mort sciemment, est qualifiée de meurtre dans le Code pénal. L’aide au suicide d’autrui est toujours illégale dans le système juridique français et peut être sévèrement réprimée selon l’article 223-13.
La promesse présidentielle
Dans son programme présidentiel, le candidat Macron a fait la promesse de changer la loi sur la fin de vie. En mars 2022, iI avait exprimé sa préférence pour le système belge au cours d’une visite en Charente-Maritime. En septembre dernier, lors de la remise de la Grand croix de la Légion d’honneur à Line Renaud, il lui avait réaffirmé cette volonté. Sa posture s’est dernièrement radoucie. Le Président est beaucoup plus fuyant et réservé dans ses propos depuis sa visite au Pape en octobre et la mise en garde de la Conférence des évêques de France. Le risque d’une politisation délétère du débat sur la fin de vie justifie probablement cette récente prudence présidentielle.
Le système belge
Le système belge semble avoir la préférence de notre Président. Il a fallu deux années de débat pour que la Belgique adopte en mai 2002 sa loi dépénalisant l’euthanasie active sous certaines conditions :
- Le patient doit être majeur (ou mineur émancipé), capable et conscient au moment de sa demande et sans pression extérieure.
- Le patient est dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée.
- Le médecin qui pratique l’acte doit être volontaire et suivre une procédure très stricte définie dans la loi.
Depuis février 2014, cette loi belge de 2002 a été étendue aux mineurs, sans limite d’âge.
Pour les militants de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) ce type de loi est une extraordinaire avancée. Le délégué pour le Loiret de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) considère qu’une loi « qui légaliserait l’aide active à mourir permettrait de mettre fin à une vie qui n’est plus que de la survie tant les souffrances sont insupportables et irréversibles, sans espoir de guérison ». Il ajoute qu’elle « permettrait aussi à chaque malade d’aborder sa fin de vie avec plus de sérénité s’il savait que l’on va l’aider quand il ne pourra plus supporter les dégradations irréversibles de sa maladie ». Sans doute, mais depuis sa dépénalisation, selon les données officielles de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, environ 25 000 personnes ont été euthanasiées en Belgique entre 2002 et 2019. Le nombre d’euthanasies, y compris les non déclarées, ne cesse d’augmenter. Certains commentateurs des rapports déplorent que « les informations disponibles mettent en lumière de multiples dérives dans l’interprétation et dans l’application de la loi ». C’est grave. Si il y a eu manquement à la loi ou mauvaise interprétation, le retour en arrière n’est plus possible avec l’euthanasie active.
Le suicide assisté
Dans sa conférence de novembre 2022, à l’auditorium des Beaux-Arts d’Orléans, Régis Aubry, professeur de médecine, membre du comité consultatif national d’éthique (CCNE), responsable du département des soins palliatifs et du Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur du CHU de Besançon a expliqué que « lorsque l’on est malade, nos sentiments, nos convictions changent et il existe une déconstruction de nos certitudes. Les malades remettent parfois en cause leurs directives anticipées écrites en pleine forme. Il existe une incertitude de la personne qui souhaite mourir. Il faut respecter cette ambivalence et ne pas céder au radicalisme du militantisme. Avec l’euthanasie il n’y a pas de retour possible. Avec le suicide c’est possible ».
L’Oregon est le premier état à avoir autorisé aux USA, en 1997, le suicide assisté (et non l’euthanasie) pour les patients n’ayant quasiment plus d’espérance de vie (certifiée par deux médecins). Le patient, qui ne doit pas avoir de troubles mentaux, fait deux demandes orales et une demande écrite, devant témoins, autorisant les médecins à lui prescrire des substances létales. Les rapports sur la santé en Oregon signalent que parmi les patients qui ont demandé des prescriptions pour se suicider, un tiers ne va pas chercher les produits létaux ou ne les utilise pas.
Au lieu des 150 prévus, par crainte d’abandons en cours de route, c’est 173 participants qui ont été tirés au sort pour cette convention fin de vie. Ils vont plancher de décembre 2022 à mars 2023 durant 27 jours répartis sur 3 sessions pour répondre à la question : « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ».
Leur réponse sera-t-elle entendue ?