Association Loire-Vistule : 40 ans de solidarité entre l’Orléanais et la Pologne

Les festivités autour des 40 ans de l’association de solidarité Loire-Vistule se sont achevées les 10 et 11 décembre 2022 à Saint-Jean-le-Blanc, près d’Orléans. L’occasion de jeter un coup dans le rétroviseur de ce mouvement citoyen spontané franco-polonais qui a beaucoup aidé la Pologne dans les années 80.

Par Sophie Deschamps 

C’est l’une des associations les plus anciennes de l’agglomération d’Orléans. En effet, après plus de 40 ans de bons et loyaux services, Loire-Vistule existe encore même si ses préoccupations sont aujourd’hui plus culturelles que solidaires.
Et encore, elle répond toujours présent quand un besoin se fait sentir dans l’ancien bloc de l’Est. Comme le raconte Dorota Moureaux, présidente de Loire-Vistule depuis 2019, originaire de la région de Cracovie et qui vit en France depuis 30 ans, « des bus affrétés par la mairie d’Orléans quelques semaines après le début de la guerre en Ukraine sont partis de France chargés de colis récoltés par Loire-Vistule avant de revenir avec à leur bord des réfugié.e.s ukrainien.ne.s ».

De nombreuses festivités pour ses 40 ans

Ce qui n’a pas empêché l’association d’entamer un ambitieux programme de festivités culturelles dès mars 2022 pour souligner comme il se doit ses 40 ans d”existence : une performance artistique le 20 mars 2022 à l’Institut autour de l’écrivaine polonaise Olga Tokarczuk, prix Nobel de littérature en 2018 ; une exposition, une conférence et un film du 7 au 23 mai autour de l’oeuvre de Jerzy Giedroyc et de sa revue KULTURA ; Un festival du film polonais aux Carmes du 30 septembre au 2 octobre ; une exposition de gravures de Miron Ciechelski et de peintures de Marlena Nizio, visibles jusqu’au 18 décembre à l’hôtel Groslot d’Orléans ; et enfin un week-end festif et commémoratif les 10 et 11 décembre au château de Saint-Jean-le-Blanc.

Une association humanitaire citoyenne

Cet anniversaire était aussi bien sûr l’occasion de jeter un regard en arrière pour mesurer le travail accompli. Et Loire-Vistule peut être fière de son action puisque pas moins de 172 convois ont fait le voyage aller-retour entre la France et la Pologne de 1982 à 1997, en soutien à la tentative de libération de ce pays par le syndicat Solidarnosc créé par un certain Lech Walesa et très vite réprimée par l’état de siège décrété en décembre 1981 par le sinistre général Jaruzelski, à la botte du grand frère soviétique. Une solidarité sans faille que raconte l’Orléanais Régis Guyotat, secrétaire-général adjoint de l’association, dans le petit fascicule Loire – Vistule, l’aventure humanitaire (1981-1997), rédigé cet été. 

L’ex-journaliste du Monde insiste sur le fait que Loire-Vistule est « l’une des premières associations à être née d’un mouvement spontané de citoyens polonais et français ordinaires qui ont uni leurs efforts pour apporter de l’aide humanitaire en Pologne. Il y avait à Orléans une importante communauté polonaise mais les gens ne se connaissaient pas entre eux ». Des liens d’amitié très forts se sont alors noués entre Polonais mais aussi avec les Orléanais et qui perdurent encore aujourd’hui.

172 convois humanitaires de 1982 à 1997

Une association créée par le polytechnicien polonais Sbinief Gazowski. Un premier convoi en camionnette part dès avril 1982 avec à son bord des vêtements, de la nourriture et des médicaments. Plus tard les convois se “spécialiseront” dans l’envoi de petit matériel médical et de médicaments. Les convoyeurs et les conducteurs sont bien sûr tous bénévoles. Régis Guyotat souligne aussi le rôle important joué par l’Église polonaise ici et là-bas. Car, explique-t-il, ces convois auraient pu « constituer une humiliation pour le gouvernement polonais. Mais les magasins sont vides, et il n’est pas question de compter sur le “grand frère” pour les remplir. En revanche une aide organisée par l’Église polonaise est tout à fait acceptable ».

« Découvrir ce qui se passe de l’autre côté »

Pour les journalistes c’est aussi l’occasion d’aller découvrir sous couvert d’action humanitaire « ce qui se passe de l’autre côté du rideau de fer ». Comme le précise Régis Guyotat : « Loire-Vistule veut savoir en s’informant et aussi en informant ». Il explique plus loin : « La Pologne des années 80 pourrait s’apparenter à la France des années 50 ». C’est aussi un soutien sans faille à de nombreux intellectuels, chercheurs, journalistes et artistes polonais qui seront invités au fil des ans à Orléans.

Toutefois, la chute du mur de Berlin en novembre 1989 ne provoque pas la fin des convois, bien au contraire car comme le raconte Régis Guyotat « la Pologne doit se convertir au système capitaliste, et celui-ci n’est pas tendre ». Aussi entre 1989 et 1990, 15 convois prendront encore la route de la Pologne, puis 20 en 1991 et cela durera jusqu’en 1997, année où la Pologne subit une grande inondation de l’Oder.

De plus, souligne le journaliste, « Loire-Vistule est en permanence sollicitée par différentes mairies pour accueillir des Polonais qui font des stages d’apprentissage sur le fonctionnement des collectivités locales ».

Des liens étroits entre les deux pays 

Une amitié renforcée, souligne également Dorota Moureaux, grâce aux jumelages, notamment entre Orléans et Cracovie dès 1992 puis entre Saint-Jean-de-la-Ruelle et Niepolomice depuis 2000. En revanche, Saint-Jean-de-Braye a suspendu début 2020 son jumelage avec Tuchow suite à une délibération anti-LGBT+ prise par cette commune polonaise. 

Claudine Kiéda, grande chercheuse en biologie cellulaire et moléculaire du CNRS et née en France partage son temps depuis quelques années entre Orléans et Varsovie. Avec à la clé un échange très dynamique d’étudiants entre les deux pays dans le cadre du dispositif Eramus+. Une situation qu’elle résume avec beaucoup d’humour : « En France, je suis une sorte d’ambassadrice de la Pologne et en Pologne, je suis ambassadrice de la France ! »

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