A la suite d’une lettre ouverte du sénateur du Loiret Jean-Pierre Sueur dans laquelle figuraient de vives critiques à l’encontre de sa programmation, le Centre Dramatique National d’Orléans a décidé de répondre à l’ancien maire d’Orléans par l’intermédiaire d’un communiqué que nous publions ici.
Monsieur le Sénateur,
Le mercredi 30 novembre, vous avez fait circuler un communiqué à travers lequel vous établissez une critique de notre programmation. Vous y nommez notre directrice, Séverine Chavrier, à la tête de la structure depuis janvier 2017, et vous vous en prenez ouvertement à son projet artistique, présentant un argumentaire qui nous semble assez éloigné́ de la réalité́.
Comme vous le citez à travers les figures de Jean Vilar ou d’André́ Malraux, le CDNO répond aux missions d’intérêt public inscrites dans son contrat de décentralisation et aux obligations prévues par le cahier des missions et des charges fixé par l’arrêté du 5 mai 2017. Dans ce cadre, Séverine Chavrier, et sous le regard de nos financeurs, a fait de notre structure un lieu de référence régional et national pour la création, tout en veillant à donner « une large place aux auteurs contemporains » (article 5.1 du contrat de décentralisation). Nous sommes surpris que vous ne preniez pas la mesure de la place du CDNO dans le paysage culturel actuel, notamment en programmant des artistes majeurs et exigeants de tous les horizons.
Grâce au travail de Séverine Chavrier, le CDNO est parvenu au fil des années à devenir une étape d’envergure dans les tournées d’artistes tels que Romeo Castellucci, Angélica Liddell, Joël Pommerat, Robyn Orlin, Stéphane Braunschweig, Julie Deliquet, Tiago Rodrigues, Célie Pauthe, Milo Rau, Vimala Pons… Vous semblez par ailleurs ignorer que les créations de notre directrice rayonnent au niveau national et international, et que son travail a gagné à plusieurs reprises la confiance et la reconnaissance de lieux incontournables en France et au-delà de nos frontières nationales.
Au-delà du travail et de la légitimité de la directrice, c’est tout un projet de territoire et toute une équipe qui sont attaqués par vos propos aujourd’hui. Votre méconnaissance manifeste de notre structure et de notre quotidien est indigne d’un élu de la République, en ceci qu’elles contribuent à plébisciter une culture qui serait plus légitime qu’une autre, excluant encore trop souvent certains citoyens et citoyennes. A ce titre, nous nous étonnons du procédé employé et qui dépasse le cadre de votre mandature.
Comme l’a rappelé Bernard Thinat journaliste à Magcentre, vous dénoncez l’absence « des grands auteurs de l’humanité » au sein de notre programmation, alors même que plusieurs d’entre elles et d’entre eux étaient et sont régulièrement à l’honneur dans notre lieu, que ce soit sur les plateaux ou dans le cadre des nombreuses actions de transmission que nous menons au quotidien. Rassurez-vous, nous assumons notre rôle de passeurs et le prenons très au sérieux.
Vous parlez de diversité et assurez-vous réjouir quand celle-ci est effective. Vous devriez vous féliciter de représenter un territoire sur lequel un label public, le nôtre, parvient à attirer quotidiennement dans ses salles un public multiculturel, plurigénérationnel et pluriprofessionnel. Encore faudrait-il ceci dit que vous fréquentiez le CDNO, en effet, ce que vous omettez de préciser Monsieur le Sénateur, c’est que votre dernière visite date de 2017.
Depuis, l’équipe renouvelée du CDNO œuvre de manière collective et engagée au service de tous les publics et de toutes les sensibilités, à travers notamment une politique tarifaire volontariste forte, particulièrement à l’égard de la jeunesse. Nous déplorons que nos envois d’invitations restent systématiquement sans réponse de votre part et regrettons que vous ne soyez pas témoin du rajeunissement et de la diversification de notre public.
« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. » Les Femmes savantes, Molière, acte II, scène V
L’équipe du Centre Dramatique National d’Orléans
Communiqué en réponse à Jean-Pierre Sueur : lettre ouverte d’un sénateur qui n’aime pas le CDN d’Orléans