Pour contrer le greenwashing, cette toute nouvelle association, spécialisée dans la renaturation du foncier industriel et d’entreprise, a mis en place un indice RSE inédit, permettant de mesurer l’implication des entreprises dans leur projet de biodiversité. Entretien avec son fondateur Emmanuel Régent, ancien président de Sologne Nature Environnement.
Par Estelle Boutheloup
Magcentre. Vous avez créé Biodiversio en 2020 dans le Loir-et-Cher, pouvez-vous nous présenter cette nouvelle association ?
E.R. C’est une association de protection de la nature pour les professionnels qui a pour but d’accompagner industriels et entreprises à renaturer leur foncier en proposant du clé en main. Elle a été créée par 25 membres : chefs d’entreprises ou travailleurs indépendants ralliés, parmi lesquels La Galerie Capazza, le restaurant Le Lion d’Or, l’apiculteur Niels Aucante, la Centrale nucléaire de Saint-Laurent, la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises du Loir-et-Cher… Au premier semestre 2021, Biodiversio a reçu 40 propositions de fonciers ! Face à ce succès, elle a dû se structurer très vite : des antennes se sont ouvertes sur Bordeaux, la Haute-Savoie, Montpellier, et des projets sont en cours sur Rennes, Lille et Lyon.
Magcentre. Pourquoi le foncier d’entreprise ?
E.R. Parce qu’il est disponible – 100 000 ha en France qui ne servent à rien et qui sont une charge d’entretien – notamment en agglomération, parce qu’il permet de lutter contre l’artificialisation des sols, et parce que tout simplement on ne pense pas à son potentiel. L’intérêt est de créer des îlots de biodiversité, des pas japonais, pour que les espèces puissent communiquer entre elles et ainsi conserver le patrimoine génétique. En faisant vivre le foncier, celui-ci va évoluer au fur et à mesure que la biodiversité va s’installer, créant ainsi un écosystème dans un écosystème.
Magcentre. Quelle approche avez-vous auprès des entreprises ?
E.R. Biodiversio est une association de réseautage qui fonctionne sur LinkedIn pour communiquer et prospecter. Une fois le foncier trouvé et qualifié, il faut tenir compte des contraintes, de l’environnement de l’entreprise et faire des zones de biodiversité (prairies, bosquets, zones humides) sur 3 ans minimum. La renaturation passe par la formation d’un référent dans l’entreprise qui formera lui-même des collègues prêts à s’engager, et par la création d’un plan de prévention de la biodiversité via un outil numérique. Notre idée est de montrer que sur les sites industriels ou sur le lieu de travail de nos concitoyens, on peut être actif facilement pour la biodiversité.
Magcentre. Le 8 décembre prochain, Biodiversio va signer une convention avec la Région Centre-Val de Loire, quel est l’enjeu de cette convention ?
E.R. Elle va nous donner un appui pour recruter un futur salarié en Cap’Asso. C’est une convention qui a du sens dans la mesure où la Région veut aller dans la même direction que nous au niveau de l’environnement, des sciences participatives et de l’éducation populaire au niveau des salariés. Nous aimerions que la région devienne un modèle, un bon territoire d’expérimentation. Aujourd’hui, nous fonctionnons grâce au bénévolat et deux mécénats de compétence (Orange et BNP). En 2023, nous signerons une autre convention avec La Poste Immobilier (10 000 fonciers !). Le comité exécutif du groupe La Poste a inscrit en mai 2022 la biodiversité dans sa stratégie environnementale. Ainsi, après l’axe climat et l’axe ressources, la préservation du vivant constitue le troisième axe de la politique environnementale du groupe.
Magcentre. En 2023, Biodiversio va lancer un indice RSE unique au monde sur la biodiversité : qu’est-ce que c’est ?
E.R. En effet. Nous partons d’un indice qui a été imaginé par un ancien directeur du CNRS, Michel Godron, pour son laboratoire il y a au moins 40 ans. Mais qui n’a jamais intéressé qui que ce soit. Nous l’avons mis à jour. L’idée ? Travailler simultanément sur une dizaine de fonciers d’entreprises relativement proches et sur un même territoire, et collecter sur chaque des données naturalistes faunes-flores qui seront travaillées par un algorithme. Cette démarche est inédite sur la planète, car la notion d’espèce a toujours été privilégiée à travers les inventaires. Mais l’inventaire a ses limites : c’est ponctuel, coûteux, ça nécessite des déplacements, dépend du lieu, du jour, de l’ensoleillement, mais aussi de la qualité de l’observateur… C’est du photomaton non reproductible et très arbitraire. Là, il s’agira de capturer, grâce à des capteurs, des données sur trois semaines et sur des espèces cibles, et de comparer les différents sites. Il y aura également un deuxième indice à l’hectare sur le foncier de l’entreprise, et au km2 sur le territoire. Cet outil d’intelligence collective permettra ainsi de mesurer l’implication d’une entreprise dans son projet de biodiversité et pour nous, c’est ce qui va le démarquer du greenwashing : nous voulons des chefs d’entreprise qui parlent avec leurs tripes.
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