Berry : Bernard Jamet raconte un demi-siècle de sa vie d’élu dans un livre inédit

Formé dans le secteur de la cuisine entre 1957 et 1960 au lycée professionnel Jean-Guéhenno de Saint-Amand-Montrond (18) où il a ensuite enseigné pendant plus de 29 ans, l’ancien maire de Drevant (18) Bernard Jamet vient de publier « Être maire, c’est aussi ça » au crépuscule de ses 78 ans.

Ce livre auto-édité retrace le parcours de ce Berrichon de 1977 à 2020 à la tête de cette commune historique du sud-Berry, traversée par le canal de Berry et la Vallée du Cher, qui préserve soigneusement son amphithéâtre gallo-romain et son prieuré.

“Bernard, tu as toujours montré cet attachement, cette volonté d’aller de l’avant, de construire, de réaliser. Cette volonté de faire progresser nos fonctionnements, de trouver les solutions qui conviennent pour résoudre les problèmes au bénéfice de l’ensemble des citoyens”, a salué Daniel Bône, président de la communauté de communes Cœur de France, lors d’un hommage rendu à Bernard Jamet le 18 novembre 2022.

MagCentre : Qu’est-ce qui vous pousse à livrer ce témoignage ?

Bernard Jamet : « J’ai été 50 ans élu : 43 ans et demi en tant que maire et 6 ans comme conseiller municipal. C’est une très longue période pendant laquelle je me suis beaucoup investi. J’ai souvent pris des postes dans des syndicats de gestions ou en communauté de communes car j’estimais que la fonction de maire trouvait toute sa valeur dans tout ce qui entoure le fonctionnement d’une mairie. Un maire ne peut faire évoluer sa commune que s’il est parfaitement au courant de tout ce qu’il se passe dans les communes alentours. J’ai créé puis présidé le Syndicat mixte de ramassage et de traitement des ordures ménagères du Saint-Amandois, présidé le syndicat des eaux et le syndicat intercommunal de construction et de gestion des collèges. C’était un bon moyen d’aller vers les subventions et au-devant des projets. »

MC : Il fallait être motivé pour enchaîner avec un 9ème mandat au mois de juin 2020.

BJ : « J’ai été éliminé et battu aux dernières élections. Pourtant, je pensais, avec mes adjoints, reprendre la mairie pendant trois ans pour ensuite passer le flambeau en cours de mandat. Nous ne voulions pas abandonner le navire parce que nous avions un très gros projet, aujourd’hui totalement tombé à l’eau. Nous voulions acheter un nombre d’hectares conséquent pour redonner vie et notoriété au village.
Près de 40 hectares sont à vendre à des prix dérisoires entre la route de Montluçon et le Grand-Tertre. Ils appartiennent à des héritiers qui ne savent même pas qu’ils ont leur terrain-là. Drevant est un ancien territoire viticole qui a compté jusqu’à 300 hectares de vignes entre les 17 au 19ème siècles alors que la commune s’étend sur 474 hectares. Je voulais emmener ce projet qui aurait profité à tout le territoire. Je repartais donc au combat pour donner une superbe image au Saint-Amandois. »

MG : Vous écrivez notamment que 6 des 12 bateaux qui transportaient les touristes le long du canal de Berry ont été revendus pour 1000 euros pièces alors qu’ils avaient été acquis par votre équipe, grâce à des subventions, pour un montant de 10 000 euros pièce. Le restaurant l’Îlot de la Godine n’a, lui, pas rouvert ses portes après le Covid. Que vous inspirent ces décisions ?

BJ : « Un gâchis du patrimoine touristique de la commune. Je pense que la nouvelle municipalité est dans une forme de méconnaissance de la réalité. Avec les projets que nous avions menés dans la commune, ni mon équipe ni moi ne doutions de notre victoire. Mon équipe était formidable et mes adjoints très impliqués. Mais dans une commune de 570 habitants, tout le monde se connaît. A mon avis, une forme de jalousie s’est mise en place. Je me rappelle d’un couple de voisins qui avait appelé le Berry Républicain pour signaler que je piquais dans les caisses de la mairie parce que je m’étais acheté une BMW à crédit. Et puis j’ai perdu toutes les voix des anciens parce qu’ils sont décédés. Ceux qui sont revenus ne me connaissaient pas. Mais je ne suis pas rancunier. J’adore ce que j’ai fait et j’aimerais seulement que tout ne soit pas détruit. »

MG : Dans un livre politique, on ne s’attend pas d’emblée à lire autre chose que ce qui concerne la vie publique de l’élu. Vous nous livrez pourtant beaucoup de détails sur votre vie personnelle.

BJ : « Tout est dans le titre : vous y trouvez ce qu’on ne dit pas, ce qu’un maire et ce que l’administration ne disent pas. La philosophie de mon livre consiste à laisser une trace de toutes ces petites choses qui paraissent anodines et dont on ne parlera jamais ailleurs. Je voulais qu’il y ait cette mémoire à propos de ce qu’un maire d’une petite commune rurale peut vivre. »

MG : François Mitterrand, alors président de la République, s’est posé en hélicoptère sur le stade de votre commune. Quel souvenir gardez-vous de cet événement ?

BJ : « J’avais un ami, ancien maire de La Groutte, Roger Fajardie. Il était un très bon compagnon de route de François Mitterrand. Très discret, il ne m’en a jamais parlé. Un jour, il m’a dit qu’il m’emmènerait le président de la République chez moi. J’ai d’abord cru qu’il plaisantait. Il m’a appelé un soir pour me dire qu’ils étaient venus ensemble et que je n’étais pas chez moi. Six mois après, il m’a rappelé me disant qu’ils viendraient déjeuner tous les deux. Je ne me sentais pas à la hauteur de cuisiner pour le président.
Ma maison était simple et l’allée était faite de cailloux. Je me disais qu’on n’emmenait pas un président dans une maison aussi humble. Finalement, le repas a été servi à la salle des fêtes de Drevant : un brochet, un fil de bœuf et une tarte aux pommes accompagnés de Sancerres blanc et rouge. »

Propos recueillis par Alexandra ADAM