Le dessinateur syrien réfugié à Limoges depuis 2014 a reçu la pantoufle du Berry, qui récompense le meilleur dessin sur le thème proposé aux trente-cinq invités du salon indrien.
Par Pierre Belsoeur
Ali Hamra lors de la remise de son trophée. ©PierreBelsoeur
Ali Hamra était un Limougeaud de fraîche date lorsqu’il a honoré en 2015 sa première invitation au salon « Papiers d’Actu » destiné aux dessinateurs et caricaturistes de presse. L’humour du trait de ce discret personnage ne plaisait évidemment pas au régime syrien et il avait préféré prendre la tangente avant de rencontrer de très graves difficultés. Un de ses amis dessinateur avait eu les doigts brisés pour avoir caricaturé Bachar El Assad, un autre avait été torturé à mort. Il a trouvé au Poinçonnet un endroit où il se sent bien et revient régulièrement au salon. Cette année il y a passé toute la semaine afin, comme cinq autres de ses collègues, de porter la bonne parole dans les écoles. Soixante écoles, collèges, lycées et même des commerces ont accueilli les messagers de paix que sont les dessinateurs de presse.
Ne pas baisser le crayon
En 2015 justement, le salon s’est tenu au lendemain de la tuerie du Bataclan. La municipalité du Poinçonnet et les artistes n’ont pas voulu baisser le crayon devant la menace islamiste. Chaque dessinateur avait fourni un dessin en hommage aux victimes d’une autre tuerie, en janvier 2015, celle de Charlie Hebdo. C’est cette édition qui a définitivement ancré le salon du Poinçonnet dans le calendrier des dessinateurs de presse et il est bien difficile de s’y faire une place tant les dessinateurs aiment s’y retrouver. 2000 visiteurs cette année encore sont venus visiter les expos, se faire caricaturer, ou acheter des albums à mettre sous le sapin. Mais au-delà de l’intérêt économique, c’est l’ambiance que viennent rechercher les dessinateurs, accueillis dans des familles qu’ils retrouvent salon après salon.
Le cadeau d’Ali Hamra, aux lecteurs de Magcentre… qui a lui aussi 10 ans ! ©AliHamra
Ali Hamra a ainsi deux familles d’accueil au Poinçonnet et désormais deux trophées venant de l’Indre à exposer dans son salon. « J’ai reçu 3 récompenses depuis que je vis en France, apprécie le lauréat de l’édition 2022, une à Saint-Just-le-Martel
(la référence en matière de dessin de presse, un salon qui a couronné les plus grands dont Wolinski, Tignous, Coco, Plantu, Cabu… ), le prix de la caricature ici, voilà quelques années, et désormais le grand prix. Je suis très ému de ce choix… mais j’ai peur que la pantoufle soit un peu grande*. »
Pour Pascale Dupré-Ségot, la maire du Poinçonnet, qui a repris le flambeau de Papiers d’Actu voici deux ans, c’est un cycle qui se boucle avec cette dixième édition. « Nous voulions faire la fête avec les dessinateurs qui nous sont fidèles depuis dix ans. L’année prochaine, il faudra entamer un renouvellement afin de faire connaître de nouveaux dessinateurs, car notre jauge est à trente-cinq et nous ne pouvons pas accueillir davantage d’artistes. Mais ce qui est réconfortant, en plus de leur fidélité, c’est leur disponibilité pour aller animer des ateliers dans des établissements scolaires. Dans tout le département désormais ».
* La pantoufle du Berry est une société artisanale installée à Vatan qui dote le salon d’une pantoufle géante aux couleurs du salon, chausse les lauréats, mais également ceux des concours de jeunes dessinateurs de pantoufles reproduisant l’affiche du salon, pantoufles fabriquées sous leurs yeux.
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