Au CDN d’Orléans, avec « Bros », Castellucci secoue les consciences

Le Centre Dramatique National d’Orléans accueillait en cette fin de semaine, le metteur en scène Roméo Castellucci, connu pour ses spectacles hors normes, s’emparant de textes pour les confronter à l’actualité vivante. Avec « Bros », pas de textes ou si peu, mais une scénographie qui a dû décontenancer une partie des spectateurs.

Par Bernard Thinat

Le dramaturge italien est hanté par les sociétés totalitaires, où la mort rôde. En juillet dernier, au festival d’Aix en Provence, sur la 2ème symphonie de Gustav Mahler, dans son spectacle « Résurrection », il déterrait les morts, comme dans des charniers aujourd’hui en Ukraine. En octobre dernier, à Marseille, « The Third Reich » livre une chorégraphie pleine de violences et de mort.

Bros de Roméo Castellucci – Photo B.T.

« Bros »

Sur scène pendant que le public finit de s’installer, la salle Barrault sera presque pleine, un drôle d’engin, sorte de grosse mitrailleuse, tourne sur lui-même dans un bruit de guerre, de tonnerre (on a distribué à l’entrée de la salle des boules quies). On sait qu’on n’est pas venu voir un spectacle gentillet. Survient un très vieil homme, surgi de la genèse sans doute, Jérémie nous dit-on, tout de blanc vêtu, s’appuyant sur une longue canne, tenant des propos incompréhensibles, plaintifs certainement. Tournant le dos au public, il se dénude entièrement et va s’allonger sur une sorte de brancard.

Apparaissent alors une trentaine de flics US, on sait que parmi eux, une vingtaine d’orléanais se sont portés candidats, porteurs d’une oreillette, ils devront exécuter ce qu’on leur dira de faire. Ils se sont engagés par écrit à réaliser strictement ce qu’on leur demande, de n’opposer aucune résistance, même à l’acte infâme, même en cas d’invasion du plateau par le public.

Se succèdent différents tableaux, parfois d’une extrême violence. On se couvre le visage de sang, on frappe un homme nu (on pense alors à tous ces régimes totalitaires où la torture est monnaie courante dans les prisons), des panneaux sont présentés au public en latin « Il faut négocier avec les morts » ou « Ils se savent pas quoi faire ? Alors ils copient ». Apparaît un portrait géant de Samuel Beckett, lequel a sans doute inspiré dans son théâtre, le dramaturge italien. Un chien rôde tenu en laisse. Spectacle en noir et blanc, excepté le rouge du sang qui coule, le plateau étant plongé dans un monde crépusculaire.

De toute évidence, Castellucci dénonce le fascisme sous toutes ses formes qui gagne les consciences sur la planète, qu’elles soient politiques ou religieuses, ces sociétés où l’état de droit disparaît, ces sociétés où la police est omniprésente partout. « Réveille-toi ! » semble dire au public, le dramaturge italien. Au final, un petit enfant, vêtu de blanc comme le vieillard lors du prologue, apparaît : sorte de renaissance, ose espérer Castellucci, devant un panneau « De Pullo et Ovo », à savoir « du poussin et de l’œuf », d’où pourra surgir le beau, le renouveau de la conscience humaine.

Le public, d’abord hésitant, finira par applaudir longuement, conscience remuée jusqu’au tréfonds !

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Commentaires

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  1. “Apparaissent alors une trentaine de flics US” : du grand art en effet.
    S’il s’agit tant que ça de coller au réel, pourquoi pas des “flics” chinois, cubains, vietnamiens, biélorusses, … Ce ne sont pas les cas réels qui manquent.

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