Fin de vie : l’heure du choix

La prochaine « Convention citoyenne » doit répondre à la question : « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». Magcentre a interrogé, Dominique Baron, le délégué pour le Loiret de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) qui milite pour l’euthanasie active et le suicide assisté.

Propos recueillis par Jean-Paul Briand

Magcentre : La Loi « Kouchner » a créé le droit à l’accès aux soins palliatifs pour tout patient et la possibilité de refuser un traitement. La Loi « Léonetti » empêche l’acharnement thérapeutique. La Loi « Claeys-Léonetti » autorise la sédation profonde associée à l’arrêt de tous traitements de maintien en vie. Ces lois suppriment donc les souffrances physique et morale, qu’apporterait de plus une loi autorisant l’euthanasie active ? 

Dominique Baron

Dominique Baron : Les soins palliatifs aident les patients à supporter les souffrances, il faudrait donc que chacun puisse en bénéficier dès qu’il le demande. Ce n’est pas le cas actuellement en France car les moyens mis en œuvre sont très insuffisant. En 2021, la France a consacré 2,50 € par habitant pour les soins palliatifs alors que l’Autriche mettait 12 € par habitant et en même temps, elle légalisait le suicide assisté. 

Quand les soins palliatifs ne peuvent plus apporter de soulagement, la seule possibilité est la sédation profonde et continue jusqu’au décès qui consiste à endormir le patient et à arrêter tous les traitements, y compris l’alimentation et l’hydratation, ce qui provoque une mort à plus ou moins brève échéance (quelques heures, quelques jours, voire quelques semaines) et cette mort n’est pas forcément provoquée par la maladie, elle peut l’être par le manque d’hydratation ou d’alimentation et personne ne peut assurer que le patient est réellement inconscient durant cette attente qui peut être longue et possiblement douloureuse. 

Une loi qui légaliserait l’aide active à mourir permettrait de mettre fin à une vie qui n’est plus que de la survie tant les souffrances sont insupportables et irréversibles, sans espoir de guérison, la mort interviendrait en quelques secondes.

Le suicide médicalement assisté concernerait des personnes conscientes et qui peuvent s’administrer une dose létale. L’euthanasie concernerait, aussi, toutes les personnes qui ne sont plus conscientes mais qui ont demandé, dans leurs « directives anticipées », à ce qu’on les aide à mourir si elles arrivaient à un stade de dégradation physique ou mentale qu’elles refusent de dépasser. 

Chacun pourrait demander à bénéficier de tous les traitements possibles jusqu’au bout, ou s’il ne peut plus supporter les douleurs, de demander une sédation profonde et continue ou une euthanasie ou un suicide assisté. Nous devrions avoir le droit de choisir notre fin de vie. 

La légalisation de l’aide active à mourir permettrait aussi à chaque malade d’aborder sa fin de vie avec plus de sérénité s’il savait que l’on va l’aider quand il ne pourra plus supporter les dégradations irréversibles de sa maladie et peut-être même de les supporter plus longtemps…

Magcentre : Qu’est-ce que « mourir dans la dignité » ? 

Dominique Baron : Il appartient à chacun d’entre-nous de définir quand sa vie n’est plus digne d’être vécue et personne quelles que soient ses connaissances ou ses compétences ne peut se permettre de décider pour nous. C’est donc par l’intermédiaire des directives anticipées que l’on peut fixer les limites que l’on ne veut pas dépasser, de façon à ne pas se retrouver dans une situation de déchéance ou de souffrance indigne et insupportable pour soi-même. Il est donc indispensable de nommer des « personnes de confiance » qui pourront nous représenter si nous ne pouvons plus nous exprimer. 

Magcentre : Un sondage récent sur la fin de vie indique qu’un grand nombre de Français est aujourd’hui en faveur de l’euthanasie ou du suicide assisté. Or les personnes qui répondent sont a priori en bonne santé. N’y a-t-il pas là un biais rendant ces sondages sujet à caution ? 

Dominique Baron : Il est préférable de réfléchir à ce que pourrait être notre fin de vie avant d’être malade. Ainsi, on peut indiquer quels sont nos souhaits. Les hasards de la vie peuvent nous projeter, du jour au lendemain, dans un état de dépendance qui nous serait insupportable à la suite d’un accident ou d’une maladie pouvant atteindre nos capacités cognitives, ces situations nous rendant incapables de communiquer. 

De plus, il est toujours possible de changer d’avis avec le temps et de revoir ses directives anticipées et, ou ses personnes de confiance. Nous serons tous amenés à mourir, 100 % des citoyens sont concernés par la fin de vie, aussi, pourquoi devrait-on exclure toutes les personnes en bonne santé ? Depuis 2005, la loi nous permet de rédiger des directives anticipées et comme elles sont « anticipées », il faut bien avoir un avis sur sa propre fin de vie avant même d’être atteint par une maladie incurable. Malades et non malades ont donc le droit de s’exprimer sur ce sujet et de participer à des sondages.

Magcentre : Comment expliquez-vous qu’une enquête faite chez les professionnels et les bénévoles exerçant en soins palliatifs montre qu’ils sont majoritairement opposés à une loi autorisant l’euthanasie active ? 

Dominique Baron : Il m’est difficile de répondre à leur place et je ne sais pas si c’est vraiment la réalité dans tous les services de soins palliatifs mais il semblerait que ce soit le cas dans notre région. Dans ces services, les personnels sont censés « soigner » et jusqu’à maintenant, on n’a jamais parlé de la possibilité d’aider les patients à mourir quand la médecine ne peut plus rien pour soulager leurs douleurs. Ils refusent donc de reconnaître que cet acte puisse être le « soin ultime » qu’ils peuvent apporter à des personnes qui ne supportent plus l’avancée de leur maladie. 

Quand un patient demande à mourir cela peut être ressenti par les soignants comme un échec ou une certaine impuissance alors qu’il n’en ait rien. C’est l’évolution de la maladie qui pousse le malade à faire cette démarche. L’argument souvent avancé est que le malade est isolé, qu’il manque d’accompagnement. Dans la plupart des cas, il n’en ait rien, il fait cette démarche après avoir convaincu ses proches qu’ils doivent accepter sa décision, qu’elle lui appartient à lui seul et les proches finissent généralement par la soutenir par amour ou amitié pour lui. 

L’aide active à mourir ne s’oppose pas aux soins palliatifs, elle est complémentaire. 

L’opposition des personnels réside peut-être dans le fait de ne pas vouloir « donner la mort ». Il est évident qu’il est hors de question d’obliger un soignant à aider un patient à mourir si, pour des raisons qui lui appartiennent, il ne peut se résoudre à le faire, il devra donc le diriger vers un confrère volontaire (il en existe).

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La Convention citoyenne sur la fin de vie

Le Président de la République a confié au Conseil économique, social et environnemental (CESE) le pilotage de la convention citoyenne qui doit répondre à la question : « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». 

Le CESE a désigné un Comité de Gouvernance, regroupant 14 personnalités dont des membres du CESE, des membres du Comité Consultatif National d’Éthique, une philosophe spécialisée en éthique de la santé, un membre du Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie, des experts de la participation citoyenne et des citoyens ayant participé à la Convention citoyenne sur le climat. C’est ce comité de gouvernance qui renseigne sur la méthodologique et veille au respect de transparence et de neutralité de la convention citoyenne.

C’est la société Harris Interactive, institut d’études et de sondages, qui a été mandatée pour réaliser le tirage au sort des 150 citoyennes et citoyens volontaires représentatifs de la diversité de la société française. Le tirage au sort devrait s’achever au début du mois de décembre, avant le démarrage de la Convention citoyenne les 9, 10 et 11 décembre prochains. Entre décembre et mars 2023, elle se réunira à 9 reprises et devra remettre ses conclusions fin mars 2023.

Les 6 critères de sélection :

  1. le sexe ;
  2. l’âge (6 tranches d’âge, proportionnelles à la pyramide des âges à partir de 18 ans) ; 
  3. les typologies d’aire urbaine (basées sur les catégories Insee) ;
  4. la région d’origine (fonction du poids démographique de chaque région française) ;
  5. le niveau de diplôme (6 catégories) ;
  6. la catégorie socioprofessionnelle (ouvriers, employés, cadres…).

En savoir plus sur cette Convention citoyenne

Commentaires

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  1. Après avoir vu l’article, les propos sont fidèles mais je regrette le choix de la photo qui montre que l’on retire la vie, les ciseaux font plus penser à une mort violente et non consentie par le patient qu’à une mort en douceur demandée par ce patient.
    Pourquoi ce choix ?

  2. Je travaille en soins palliatifs et je vois au quotidien que les sédations (car il en existe plusieurs types) sont bien évaluées grâce à des échelles, RASS par exemple pour la conscience, et Algo+ par exemple pour la douleur.
    Les sédations profondes se réalisent avec un outil qui s’appelle la grille SEDAPALL.
    Donc, oui, on peut s’assurer que le patient est inconscient et qu’il n’a pas de douleur. C’est comme pour les patients au bloc opératoire ou en réanimation par exemple.
    Et pour info, l’hydratation est stoppée lorsqu’elle engendre de l’inconfort pour le patient (encombrement bronchique, oedèmes etc.), et que le patient n’en ressent lui même plus le besoin. Car souvent, le patient en fin de vie perd la sensation de faim et de soif. Ce qui n’empêche pas de réaliser des soins de bouches en plus de toutes les autres attentions des soignants.
    Vous pouvez trouver des informations utiles sur le site de la SFAP ou sur la chaîne youtube YODO.

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