Groupe mythique sénégalais, Orchestra Baobab était de passage à l’Astrolabe d’Orléans pour conclure la tournée de ses 50 ans d’existence. Un orchestre qui navigue au carrefour de courants musicaux venant de toute l’Afrique, et même d’ailleurs.
Par Maël Petit
S’il fallait définir, ou même extraire l’essence même de cet Orchestra Baobab, issu d’une graine de bouye* plantée dans les clubs populaires de la vie nocturne de la Médina de Dakar, ce serait peut-être sa résilience face à l’oubli et le poids des années, celles qui ont fané ses fleurs tout au long de ces 50 dernières années. Car comme tout artiste ou presque, le groupe sénégalais a connu des hauts et des bas dans sa carrière. La gloire des débuts pendant les années 70, lesquelles consacraient l’Orchestra Baobab comme l’un des groupes musicaux les plus populaires de la capitale d’Afrique de l’Ouest.
Une décennie d’hégémonie qui ne prédisait alors aucune fausse note pour l’avenir de l’orchestre. Mais un artiste ne sait que trop bien aujourd’hui le renouvellement dont il doit faire preuve pour perdurer. Peut-être manquait-il cette dose d’expérience au jeune Baobab d’alors pour continuer à grandir. Car la descente fut brutale, encore plus avec l’avènement du mbalax, rythme musical le plus écouté du pays, popularisé notamment par Youssou N’Dour qui fît glisser rapidement le Baobab dans l’ombre de ses partenaires de la scène musicale sénégalaise.
La renaissance du Baobab
Au total, une quinzaine d’années de veille que le public pensait insurmontable, avant la renaissance du début des années 2000, initiée par Nick Gold directeur du label World Circuit Records, et Youssou N’Dour, le même qui avait participé indirectement à la chute du groupe 15 ans plus tôt. Un sacré clin d’œil du destin pour l’orchestre qui renoue alors avec le succès du passé. C’est peu dire que la bande à Thierno Koité, chef d’orchestre et saxophoniste, revient de loin. Les erreurs du passé ne sont pas oubliées, font désormais partie de l’histoire du Baobab, telles des cicatrices sur son tronc symbolisant les étapes traversées par le groupe. Des plus brillantes aux plus sombres. « On ne nous y reprendra plus », jurent-ils.
S’enchaînent alors les albums, les tournées à travers les continents, qui découvrent à leur tour le style d’Orchestra Baobab. Un mélange épicé de percussions et rythmes cubains mariés aux mélodies et sonorités africaines, le tout sublimé par une touche de soul jazz. Et encore, on est loin d’avoir fait le tour de toutes les influences qui façonnent le style du répertoire du Baobab. Le mieux placé pour en parler reste le groupe lui-même, « nous avons réussi à créer ce qu’aucun président de la République africain n’a réussi à faire. A savoir réunir plein de nationalités et d’ethnies au sein d’un même groupe » explique avec fierté le guitariste Yahya Fall. Dans cet orchestre se côtoient béninois, togolais, mauritaniens, marocains, maliens… où chacun apporte sa propre personnalité musicale.
« Le baobab représente une véritable unité africaine qui produit une palette de couleurs musicales aussi variée qu’inédite, poursuit Yahya Fall, et elle n’est pas prête de s’effacer, même si nous avons perdu pas mal d’éléments-clés ».
Passage de témoin avec la nouvelle génération
Si le baobab est éternel, ses fruits, eux, ne le sont pas. Beaucoup d’anciens, présents lors de la genèse de l’orchestre, ont aujourd’hui disparu. Cela implique d’anticiper les prochaines années, trouver une nouvelle génération capable de faire perdurer le baobab. « Les anciens ont initié très tôt les plus jeunes aux subtilités de l’orchestre, ont transmis l’esprit du baobab pour que le groupe continue d’exister une fois que nous ne serons
plus là, continue Yahya Fall, les deux générations sont complémentaires. Les anciens apportent leur finesse et leur expérience tandis que les jeunes font preuve de dynamisme, force et énergie ». Un savant mélange qui permet au baobab de traverser les décennies à l’aide de ses nouvelles pousses, dont l’une d’elles est incarnée par Alpha Dieng, fils ainé de Ndiouga Dieng, ancien membre de l’orchestre aujourd’hui disparu. Le jeune chanteur, « enfant de baobab », a évolué au sein du groupe aux côtés de son père, qui lui
« a transmis son héritage ». Pas de meilleure école donc pour continuer à faire rayonner l’Orchestra Baobab, véritable ambassadeur de la culture africaine à travers le monde.
*bouye = aussi appelé pain de singe, le bouye est le fruit du baobab africain.
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Paroles de musiciens de l’Orchestre d’Orléans #2 « Contrebasse et silences »