A l’occasion de la parution de l’ouvrage publié chez Plot Editeur et consacré par l’Orchestre Symphonique d’Orléans au centenaire de son existence, passionnante aventure musicale, nous avons sollicité certains interprètes de l’orchestre à témoigner de leur parcours personnel et de leur engagement souriant, fervent et talentueux au cœur de l’ensemble musical orléanais dont Marius Stieghorst est aujourd’hui le chef et le directeur artistique. Voici à présent, faisant suite à ceux de Julie Bonnafont, les mots de Sarah Chervonaz, contrebassiste, auteure et femme de théâtre. Contrebassiste et pédagogue, Sarah Chervonaz est professeure de contrebasse au conservatoire d’Orléans Elle y est aussi l’une des responsables de l’Orchestre à cordes premier cycle et référente pédagogique de L’Orchestre Demos Orléans Val de Loire. Magnifique autre aventure en direction des jeunes de quartier. Sarah Chervonaz, rayonnante d’intensité et de sourire, est en toute humilité une interprète au cœur du pupitre de contrebasses de l’Orchestre symphonique d’Orléans.
Par Jean-Dominique Burtin
Sarah Chervonaz. Photo : Focus Art’s.
Un instrument tel un joyau contemporain
Aujourd’hui, Sarah se souvient de l’instrument qu’elle jouait lorsqu’elle faisait partie de l’Orchestre des Jeunes du Centre : “ C’était une petite italienne toute poirée qu’on appelait le kayak”. Cette musicienne joue à présent et depuis 2006 sur une contrebasse B21, sa “Miss” aux jolis nœuds dans le bois comme des taches de rousseur, instrument novateur du luthier Patrick Charton (Saint-Etienne), muni d’un manche hybride amovible pouvant passer de quatre à cinq cordes. En 2017 elle a même imaginé et fait réaliser une contrebasse à six cordes par son luthier. Avec cet instrument, elle peut réunir le classique et le jazz, et même régler l’âme de l’instrument tel un joyau contemporain.
“Ne jouer que pour eux, comme une dédicace”
Pour Sarah Chervonaz, Patrick Charton était sans cesse à l’écoute du musicien, “ce musicien qui doit toujours se situer entre le garagiste et le pilote de Formule 1”. Celle qui a fabriqué son archet, qui pratique encore le trombone, et qui rêvait aussi de faire du cor, avait surtout envie de ces vibrations qu’elle a trouvées dans la contrebasse, cet instrument “avec lequel il est plus facile d’adresser des sourires”. C’est avec lui qu’elle s’est épanouie : “Avec lui, j’ai trouvé le temps de respirer ; cependant le doute d’être à sa place dans l’orchestre continue de m’habiter. Tout est une question d’échange. Une note, un trait d’orchestre me font vibrer de passion. L’artiste laisse une signature, un musicien laisse un vibrato. Ce qui compte, avant toute chose, c’est d’offrir un instant. Une fois, lors d’un concert, lorsque j’ai vu deux spectateurs du premier rang, dont l’un disait doucement à l’autre de fermer les yeux pour écouter, j’ai pensé ne plus vouloir jouer que pour eux, comme une dédicace.”
« Une mélodie à plusieurs voix »
Et la musicienne aime poursuivre : “Avec ma miss aux six cordes, j’aimerais faire entendre une musique que peuvent produire les planètes, les étoiles, celles qui brillent la nuit et celles indiscernables en plein jour, celles de nos ascendants, une mélodie à plusieurs voix. La leur, la sienne, la mienne, les vôtres…Et comme aurait pu le dire Kepler, voici une musique, une harmonie, qui se produit en pensée, et non en sons. C’est une mélodie silencieuse. “
« À Voix Bass » et à fleur de peau
SarahChervonaz : ” Adèle Amar, chanteuse et moi avons créé ce duo pour partager notre univers qui nous porte. Dès le début de notre rencontre musicale, nous avons trouvé l’atmosphère et le répertoire qui nous correspond. De Bizet, en passant par Kurt Weill, pour aller chatouiller les mélodies et le texte de Brassens et sans oublier ce qui nous a réunies, la musique Yiddish. “ Comme le souligne la presse, à l’occasion d’un concert donné en 2022 dans le cadre de “Un mot, des Mauves”, festival de rencontres artistiques du Loiret : ” Adèle, chanteuse lyrique, est pleine de poésie, de tendresse et d’humour, et Sarah, contrebassiste, est sensible avec une fragilité à fleur de peau”.
“Sans contrebasse pas d’orchestre, sans mémoire pas de nation”
Sarah Chervonaz: « Des silences m’ont peut-être inquiétée mais beaucoup m’ont nourrie… Les miens et ceux d’autres. Les silences, en musique, sont essentiels. Hors musique, ils peuvent également se révéler nécessaires ou magiques, surprenants ou touchants… »
Pour la création 2018 de la compagnie Les Fous de Bassan (Beaugency), Sarah Chervonaz a écrit avec Pierre Garin le texte du spectacle « Contrebasse et silences », création dont elle a composé la musique et qu’elle interprète dans une mise en scène de Christian Sterne. La pièce a notamment été donnée en mars 2019 dans le cadre du festival “Elles au Centre” à La Fabrique, fameux centre culturel et théâtre de Meung-sur-Loire.
Sarah Chervonaz y écrit : « Et que signifie le silence qui entoure l’enfance de mon père ? Avec ma contrebasse, ma chère compagne de chaque instant, je vais vous confier mon histoire, ma passion, mes doutes, mes silences. Le silence a des causes multiples, il est individuel et collectif. Il est en demi-teinte, celui de toute une société et de toute une génération. Même si parfois le silence est constructeur, à un moment donné il est important de pouvoir le rompre. Dans Contrebasse et silences l’émotion est partiellement contenue. La pudeur n’est pas ici affaire de tact, mais de distance vitale sans laquelle les événements relatés condamneraient au mutisme. Sauriez-vous percevoir ces silences ? »
De fait, Sarah Chervonaz possède énormément de poésies et de récits de son père qui fut enfant caché à Nice pendant la seconde guerre mondiale par le réseau Marcel créé par Moussa Abadi et Odette Rosenstock . Ce qui lui fait aussi dire, directe et radieuse de présence, en écho avec Patrick Suskind, que “sans contrebasse pas d’orchestre, et sans mémoire, pas de nation”. Merci infiniment, Madame.
“Orchestre symphonique d’Orléans, 1921-2021, Un centenaire tourné vers l’avenir”, Par Philippe Barbier et Jean-Dominique Burtin, Editions Plot. Graphisme David Héraud. 128 pages. 24€.
Le livre est disponible dans différents points de ventes :
En ligne : https://billetterie-orchestreorleans.mapado.com/ Au bureau de l’Orchestre 6 rue Pothier 45000 Orléans
Du lundi au vendredi de 13 heures à 17 heures. Tel.: 02 38 53 27 13
Dans les librairies d’Orléans (Librairie Nouvelle, Chantelivre, Les Temps Modernes, Librairie du Théâtre).
Également à l’Espace culturel E. Leclerc Olivet.
A l’Office de Tourisme d’Orléans
Au Musée des Beaux-Arts d’Orléans
Saison de l’0rchestre symphonique d’Orléans : http://www.orchestre-orleans.com/
Plus d’info autrement: Un livre évènement pour les cent ans de l’Orchestre symphonique d’Orléans