L’origine du mal: la famille, le mensonge, les deux ?

Le film de Sébastien Marnier, L’origine du mal, assumant ses outrances, nous emmène dans des décors somptueux pour une farce tragi-comique, avec une imagination foisonnante et des excentricités intéressantes. Des acteurs formidables donnent du poids à chaque personnage, et le travail bien ficelé du réalisateur nous promène dans ce théâtre ironique de la cruauté quotidienne.

Par Bernard Cassat

La famille au grand complet. Photo Laurent Champoussin

Louise met en boite ou sous blister des sardines et des anchois. Poissonnière industrielle, quoi de plus prolo pour la situer socialement au début du film ! Sa logeuse, qui doit être aussi la femme qui l’a recueillie, lui annonce qu’il faut qu’elle parte pour laisser la chambre à sa vraie fille qui revient. Coup dur pour Louise qui est, qui a toujours été en manque de famille.

Elle va saisir une occasion de s’en trouver une. Lors d’un précédent séjour en prison pour usurpation d’identité (déjà), elle s’est amourachée d’une autre détenue toujours sous les verrous. Elle déniche une entrée possible dans la famille de son amante. Et ça va être une porte ouverte sur la famille, l’argent, la violence et le mensonge. La folie construite avec beaucoup de romanesque par Sébastien Marnier.

Un gynécée cruel, l’ombre de la mort du patriarcat

Dans un écrin absolument formidable, une villa de la côte kitch et somptueuse, pleine d’objets, d’animaux empaillés, de belles choses inutiles mais chères, de mobilier d’antiquaire, évoluent des personnages du même ordre. Seul homme, le père voit son règne financier et familial menacé par toutes ses femmes. Son épouse dépensière et un peu frapadingue, sa fille George rigide, austère, cassante, la majordome de la famille, personnage inquiétant, mystérieux et maléfique. Louise, sous le nom de Stéphane, déboule donc dans ce jeu de pouvoir, de haine, de mensonge et de complots, elle qui au fond est la plus mensongère de toutes. Tout le monde joue, et le film est évidemment en premier lieu un numéro d’acteurs. Jacques Weber en patriarche déclinant, victime de son corps qui le lâche et du complot de ses femmes, promène son impressionnante carrure et s’en sert pour gagner sa « nouvelle » fille Stéphane à sa cause. Dominique Blanc, absolument époustouflante, joue les stars vieillissantes, dépense sans compter la fortune de la famille et accumule les objets pour remplir sa futilité. Doria Tillier, en George, la fille officielle, se cantonne à son rôle de cheffe d’entreprise froide et rigide. La majordome Véronique Ruggia Saura, inquiétante au possible, aux regards incroyablement perçants, régente tout ce monde de faux semblants et tire son épingle du jeu en revendant en douce les objets achetés par la mère. Parce que la seule chose qui n’est pas un mensonge dans cette histoire, c’est l’argent, omniprésent dans cette famille. Louise, devenue Stéphane, ne s’y intéresse même pas. Elle veut qu’on l’entoure en tant que sœur, que fille. C’est son plus grand décalage avec cette famille.

Des femmes enfin apaisées? Photo Laurent Champoussin

Un travail visuel recherché

Et l’image s’amuse à mettre tous ces gens dans des cadres. L’utilisation du split screen, l’écran divisé, isole chaque personnage, pourtant tous présents dans le même écran. A plusieurs moments, on retrouve ce procédé, utilisé jusqu’à faire passer un personnage, Stéphane évidemment, d’un cadre à un autre. Efficace et significatif. Surtout que Sébastien Marnier filme délibérément le corps des acteurs. Les ouvrières au début, dans les vestiaires, les douches des prisonnières, qui tournent au pugilat féminin, même le corps du père, masse imposante qui remplit toute l’image en contre plongée, pendant que Stéphane-Louise lui masse les jambes. Des choix de réalisateur qui font de ce film un très beau travail. Le parallélisme entre le travail à la chaîne de Louise sur les sardines et celui de son amie prisonnière qui met des papiers sous enveloppe, lui aussi, n’est pas neutre. Ou les noms masculins des filles. Ces détails enrichissent le sens. Mais la farce l’emporte, en allant jusqu’au bout des données « réalistes » du début. Et l’on n’est pas déçu !

Photo Michel Ferry
Une avant-première très suivie

Sébastien Marnier, Laure Calamy et Véronique Ruggia Saura sont venus présenter leur film le samedi 1er octobre lors d’une avant première. Sébastien nous a confié le lien avec sa propre famille, l’histoire de sa mère qui a découvert son père à l’age de soixante ans. La comparaison s’arrète là, a-t-il bien précisé. Mais, ironie de l’histoire, elle était militante communiste, son père s’est révélé un homme de droite et pourtant elle l’a immédiatement adoré… Il a aussi raconté la préparation et le tournage, la découverte de la maison et la difficulté de la remplir de choses. Le musée d’histoire naturelle de Toulon leur a prêtè des animaux empaillés. Les 4500 cassettes ont été plus difficiles à trouver.

Laure Calamy, avec son enthousiasme habituel, a parlé de sa manière de remplir son rôle, nouveau pour elle. Et Véronique Ruggia Saura a confirmé la composition qu’elle fait dans le film, révélant des sources qu’elle adore, Rebecca de Hitchcock entre autres.

La salle pleine à craquer a apprécié et le film, et la rencontre.

 

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