Les « mails*» au cœur d’une révolution urbanistique à Orléans ?

Ville d’Orléans et Métropole vont engager d’ici à 2029 un immense chantier -lourd de nuisances- pour restructurer les grands boulevards qui ceinturent le centre-ville. Deux secteurs seront prioritaires : au niveau du futur quartier universitaire Madeleine et à Place d’Arc où le centre commercial sera en partie reconstruit et agrandi.

Par Jean-Jacques Talpin

 

En 1983, dans son ouvrage « Orléans-sur-Loire », Michel de la Fournière, parrain intellectuel de la gauche socialiste orléanaise, plaidait pour une reprise en main totale des « Mails », ces grands boulevards qui entourent le centre-ville sur un peu moins de 4 kilomètres. Cette « autoroute urbaine », une des plus fréquentées de l’agglomération, représente depuis longtemps une frontière entre le centre-ville et les faubourgs. Durant plusieurs décennies, tous les passionnés de la chose urbanistique –Jean-Pierre Sueur, Antoine Prost– en ont fait un de leurs totems qui figurait d’ailleurs dans le programme de M. Sueur aux municipales de 2001.

Future PLace d’Arc. Doc Carrefour Carmila

Depuis plus rien ! Mais le réveil devrait sonner rapidement. Ville et Métropole viennent en effet d’engager un double projet qui va bouleverser la vie des orléanais pour plusieurs années. Le plus gros chantier va porter dans le haut de la rue de la République avec la restructuration du centre commercial Place d’Arc que la Métropole dit en « perte de vitesse ». Le centre va en effet être agrandi de 8 500 m2 au bénéfice de Carrefour et de la galerie marchande. Dans le même temps, un nouvel immeuble de 5 000 m2 accueillera des logements.

« Enfin ! »

Mais le plus important chantier portera sur le haut de la rue de la Rep’ : suppression de la trémie souterraine (35 000 voitures quotidiennes), de la dalle (40 000 piétons/jour), déplacement du centre bus et de la ligne du tram A (qui sera fermée durant 9 mois), rétablissement de la continuité Est-Ouest de la circulation automobile. Un chantier extrêmement lourd de nuisances entre 2025 et 2028 et chiffré aujourd’hui à 30 millions d’euros pour la Métropole dont 8 millions apportés par Carrefour et la société immobilière Carmila qui gère la galerie.

Le futur quartier. Photo Métropole

Par-delà le chantier urbain et les nuisances, une question se pose : le centre-ville d’Orléans a-t-il besoin de 8 500 m2 supplémentaires dans ce centre commercial ? Pour ouvrir Place d’Arc en 1988, le maire Jacques Douffiagues (aujourd’hui quelque peu oublié) avait dû batailler ferme contre les commerçants hostiles au projet. Certains se souviennent encore des joutes mémorables entre le maire, la gauche et feu Henri Bénozio, patron des commerçants indépendants devenu par la suite adjoint au commerce de Jean-Pierre Sueur. Autre temps, autre mœurs : les commerçants orléanais sont désormais apathiques et silencieux (mais en échange on leur a promis une réhabilitation des Halles Châtelet !) alors que la gauche apporte son soutien au projet. « Enfin ! (…) s’est même réjoui Jean-Pierre Sueur, j’attendais depuis longtemps une telle décision »

Les « Ramblas » d’Orléans ?

Autre chantier et autre ambition plus à l’Ouest au niveau du futur quartier universitaire Madeleine, où là encore les « mails » seront restructurés, la « trémie Jaurès » supprimée et remplacée par un parking souterrain de 500 places. Nul doute qu’entre ces deux chantiers pourrait naître une coulée verte, une liaison aux circulations apaisées et largement accueillante aux cyclistes. Mais il restera encore à aménager la partie située entre la gare et le théâtre, ce no mans land peu accueillant sauf pour le marché aux puces et les voitures qui y trouvent un vaste parking. Des projets avaient été présentés (jardin public derrière le théâtre, parking souterrain devant) avant d’être remisés au placard. Et pourtant, les espaces disponibles pourraient trouver une autre vocation plus conviviale comme hier (et avant hier) quand ces « mails *» accueillaient marché, fête foraine et foire exposition… Et pourquoi, en rêvent certains, ne pas y inventer les « ramblas » d’Orléans.

*Le terme “mail” vient du jeu de maillet auquel s’adonnaient les Orléanais au XVIIIe siècle sur l’espace ouvert par la destruction des remparts de la ville

Commentaires

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  1. Je n’ose pas imaginer les embouteillages futurs.
    Sans parler du coût et du surcoût.
    C’est complètement déraisonnable.

  2. Les orléanais et les autres ont déjà connu des centaines de milliers d’heures d’embouteillage pour la construction des deux lignes de tram… qui sont une solution efficace pour les mobilités…
    A l’heure où des dizaines de boutiques restent fermées en centre ville, vous posez la question “la ville en a-t-elle réellement besoin”?
    La ville, c’est des rues, des murs, des infrastructures : elle se doit d’être au service d’êtres vivants appelés bizarrement “habitants”, car sans habitants une ville est une ruine…
    Consulte-t-on les habitants pour avoir leur avis sur des années de travaux, au moment où nous traversons une crise économique sans précédent due à une guerre qui ne fait que commencer,-souvenez-vous de la guerre des Balkans qui ne devait durer que 3 semaines- une crise énergétique liée à l’explosion des couts…
    Quelle entreprise peut raisonnablement établir un devis pour 2028 dans ces conditions-là et s’engager à le respecter quand nous avons déjà 6% d’inflation? Quel élu peut raisonnablement engager l’argent public, le nôtre! dans des travaux “pharaoniques” dont une grande part reste à justifier si l’on veut aussi penser à la transition énergétique…
    C’est là qu’un référendum serait le bienvenu, ouvert aux habitants de la Métropole, qui auront a financer ces coûts…qu’ils les veuillent ou NON !
    Parfois la ville d’Orléans me fait penser à ces maisons constamment en travaux de réhabilitation depuis 40 ans, où leurs propriétaires n’ont que rarement connu la quiétude, le progrès inventant toujours de nouvelles solutions, à peine aviez-vous fini les travaux qu’on avait déjà inventé mieux…
    Et si on votait ?

  3. De sacrés projets ambitieux pour le Orléans de demain. Je suis toujours curieux de suivre des projets de transformations de la ville.
    Merci pour ce très bel article, bien illustré.
    J’ai bien aimé la petite note sur le mot “mail” j’ignorais jusque-là qu’il-y-avait une origine médiévale sur ce mot.
    Bonne continuation. 😉

    • Ben, moi, j’ignorais que le XVIIIème siècle faisait partie du Moyen-Âge !

  4. L’élargissement de la rue des Carmes n’est pas terminée mais dans le tronçon qui est fini depuis bien longtemps aucun magasin n’est venu s’installer malgré les promesses réitérées de la mairie … Que tous les élus orléanais y compris d’opposition aient pu approuver ce projet laisse pantois .On se retrouve dans la même problématique qu’avec le fameux Com’et qui est un gouffre écologique, financier et environnemental mais que presque tous les élus de la Métropole avaient approuvé .

  5. Le fait de repenser la ville est une bonne chose si l’objectif est de la preparer au changement climatique. L’essentiel des réflexions devant se porter sur la récupération des eaux de pluie, la place des arbres, des espaces verts, la vraie prise en compte des modalités douces avec des de vraies pistes cyclables… et pour le commerce faire la priorité aux boutiques du centre ville et à l’artisanat local …. si c’est le cas, alors bravo, Orléans est une vraie ville du futur !

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