Le XIIIe colloque de l’association Mix-Cité 45 dont le thème était à nouveau les femmes et leur corps a eu lieu les 22 et 23 septembre 2022 à Orléans avec de nombreuses interventions. Sans oublier l’actualité avec le sort terrible réservé aux femmes afghanes mais aussi en Iran avec le décès de Masha Amini.
Par Sophie Deschamps
L’actualité, une fois de plus, hélas, a donné toute sa pertinence à ce colloque consacré pour la seconde année au corps des femmes. À l’auditorium de la médiathèque d’Orléans, dans son discours d’ouverture, Monique Lemoine, présidente de Mix-Cité 45, l’association qui porte cette manifestation a ainsi posé la question : « Pourquoi les talibans en veulent-ils tant aux femmes ? » Puis elle raconte l’histoire de Zarifa Ghafari, afghane de 27 ans, élue maire de Maïdan Shar : « Pendant son mandat de 2019 à 2021, jusqu’à l’arrivée des Talibans, la jeune maire a été la cible de trois attentats terroristes. Son père a été tué en 2020. Après le retour des Talibans, elle se réfugie en Allemagne et publie Zarifa, le combat d’une femme dans un monde d’hommes(Jean-Claude Lattès).» De retour dans son pays en 2022 durant une semaine humanitaire elle contaste « que les filles n’ont plus accès à l’école à partir de douze ans et son obligées de se couvrir entièrement. »
Puis elle évoque la mort de Masha Amini, jeune iranienne de 22 ans, le 17 septembre 2022 « trois jours après son arrestation par la police des mœurs. Depuis 1979, cette police patrouille dans les espaces publics pour faire respecter le code vestimentaire des femmes : un voile recouvrant la tête et le cou pour dissimuler les cheveux. Que dire après de tels crimes ? » Rien justement puisque c’est une minute de silence qui a clôturé la première journée de ce colloque. Le silence choisi aussi par l’iranienne Sara Shirvan qui a annulé sa participation au colloque.
En revanche une autre iranienne Rezvan Zandieh, une habituée de ce colloque a souhaité prendre la parole ce vendredi : « Jusqu’à la semaine dernière, Masha Amini dit Jina n’existait que pour sa famille et ses amis. Si elle n’avait pas résisté aux humiliations et aux insultes des policiers des moeurs, elle serait probablement vivante aujourd’hui. (…) Mais Jina n’est pas morte. Son existence est passée à un niveau bien plus élevé. Elle s’est propagée et multipliée dans le corps des autres, de tous genres, toutes races et toutes ethnies. Elle est devenue des milliers de Jina. (…) Elle a dépassé les frontières de l’Iran, elle est devenue internationale. (…) L’histoire n’oubliera pas à coup sûr ni son nom ni ce corps.»
Le témoignage poignant de l’afghane Khusjasta Ghoori
Par ailleurs, jeudi soir le FRAC d’Orléans, dont on connaît l’engagement féministe, a accueilli un faux procès sur le corps des femmes (auquel un article sera prochainement consacré). En point d’orgue, le témoignage poignant, dans sa langue, d’une jeune afghane médecin de 24 ans, Khusjasta Ghoori, réfugiée à Orléans depuis un an.
« Ce soir, je suis là pour partager l’histoire de ma vie avec vous. Il y a un an que je suis en France, loin de mes amis, de ma famille et de mon travail à l’hôpital. Je travaillais aussi pour le droit des femmes. Mais à cause des Talibans, ma vie a changé. J’ai tout d’abord perdu mon travail. Comme vous le savez, en Afghanistan les femmes n’ont plus le droit de travailler, d’aller à l’école et de sortir. Pire, les femmes n’ont même pas le droit de choisir la couleur des vêtements qu’elles portent dehors. Seul le noir est autorisé.(…)
Ce qui me dérange depuis que je suis en France, c’est chaque fois que je me souviens que j’étais juste en train de commencer ma vie comme médecin, c’était mon rêve.
Pour moi c’est difficile de tout recommencer à zéro et en plus, je ne sais pas bien parler français. Néanmoins, je commence à vivre ici normalement. Je commence à faire du sport et de reprendre des études à l’université. (…)
Est-ce-que les femmes, elles n’ont pas le droit de vivre comme les hommes dans ce monde ? J’ai quitté mon pays à cause des Talibans et ici, je ne veux pas rester silencieuse, je veux élever la voix pour le droit des femmes dans le monde, en Iran, en Afrique… parce qu’elles ont le droit de vivre comme tout le monde.
Puis elle évoque la mort de Masha Amini :
“Ils ont tué cette iranienne juste parce qu’elle n’avait pas bien mis son foulard. Je ne veux pas que les femmes vivent dans un endroit de violence. Ici je peux parler pour toutes les femmes et dans le futur je voudrais créer une association pour le droit des femmes. Merci de m’avoir écoutée et merci à Christelle et Mano qui sont comme ma deuxième famille ici.“
Khusjasta Ghoori essaie aujourd’hui d’obtenir à Orléans l’équivalence de son diplôme de médecin. Ce qui ne devrait pas être trop difficile vu les énormes besoins en personnel de santé à Orléans et dans la région.
À lire aussi : Colloque les femmes et leur corps, 2021