Valérie Zlotovski s’attaque dans Les enfants des autres au difficile sujet de la relation entre enfant et amie (en l’occurrence) du parent séparé. L’histoire d’amour avec le père comme avec sa fille, riches toutes deux du sel de la vie, sont en permanence menacées par l’insécurité, la rupture. Sujet complexe que les deux acteurs Virginie Efira et Roshdy Zem portent avec brio.
Par Bernard Cassat
Elle est prof, elle a quarante ans, elle aborde la vie avec une approche totalement positive. Une femme intelligente, qui vit avec légèreté un quotidien bien rodé. Une femme bien dans sa vie. Mais question relation amoureuse, c’est plus compliqué. Elle vit seule, mais rencontre un soir un homme séduisant dans son cours de guitare. Une relation commence entre eux, une très belle histoire qui nous fait entrer dans une comédie romantique super bien ficelée, avec des images d’une sensualité magnifique, des répliques légères et drôles, des petits riens qui permettent d’indiquer la profondeur de la relation.
Quarante ans, l’âge charnière pour l’enfantement
Cet homme, Ali, a déjà une fille, Leila. Rebecca, puisqu’elle s’appelle comme la réalisatrice, veut la rencontrer. Leila, petite fille magnifique de quatre ans et demi, conquiert bien évidemment l’amie de son père. Avec elle, Rebecca, qui a très peu connu sa mère décédée jeune, va découvrir ce que le rapport mère-fille a de formidable. Et donc, en creux, instaurer en elle cette question d’un enfant. Son vieux gynéco juif lui dit que sa fertilité s’épuise. Que c’est le moment si elle veut un enfant. Cette idée va trainer dans le film jusqu’à la fin, va nourrir l’histoire sans pour autant devenir ouvertement le sujet. La comédie romantique fait place à développement plus sombre. Le sujet, ça devient l’attachement très maternel que Rebecca ressent envers Leila à force de s’en occuper, et que la séparation d’avec Ali va casser, arréter net. Une mère qui se sépare du père de ses enfants continue à être mère. Pas elle, puisqu’elle n’est pas de la famille.
Les déchirements des séparations
Cette question dans nos société aux familles recomposées, parfois plusieurs fois, Rebecca Zlotowski dit ne pas l’avoir rencontrée dans le cinéma récent. C’est pourquoi elle s’en est emparée, surtout qu’il y a beaucoup d’échos dans sa vie réelle. Et pourtant ce n’est pas un film à thèse, ce n’est pas non plus un film militant. Le personnage de son film (elle même ?) vit tout cela, la découverte de l’amour maternel puis son arrêt brutal, sur un mode plus que positif. L’actrice Virginie Efira, encore plus solaire que son personnage, irradie tellement que toutes les questions négatives, tous les écueils et les conflits, toutes les jalousies et les déceptions sont effacés. Sa beauté, sa présence, son aura efface les possibles questions. Et le scénario en rajoute lui aussi.
Vacances en Camargue avec son folklore, forte émotion très consensuelle de la « famille » qui fait le sandwich, la petite fille entre les bras de ses deux parents, scène qui bien sûr touche les mamies et le public. Ce ne sont pas des clichés, plutôt des facilités de narration tout de même un peu lourdes, un peu trop consensuelles pour toucher vraiment. La grosse cavalerie est aussi présente dans la bande son, Julien Clerc et Françoise Hardy, des valeurs sûres qui portent en elles des émotions accumulées en dehors du film. Il en va de même pour le style cinématographique. Les fondus au noir, héritage (assumé) de Truffaut et Sautet, rappellent que cette histoire, qui fait tout l’intérêt de ce film, est aussi du cinéma.
Des acteurs lumineux
Donc des acteurs, et là, Rebecca Zlotowski a fait le bon choix. Virginie Efira est éblouissante, belle, intelligente dans son jeu, discrète, élégante, au point que l’on se demande comment son partenaire peut la quitter ! Roschdy Zem, que Valérie connaissait bien pour avoir déjà beaucoup travaillé avec lui (Les sauvages, feuilleton diffusé sur Canal +), remplit magnifiquement ce rôle d’homme moderne, colosse aux pieds d’argile dont les hésitations font du mal à son entourage. Et la petite fille, qui n’a pas à jouer pour attendrir le spectateur.
Les enfants des autres cumule donc beaucoup de cartes pour tirer son épingle du jeu. La force du scénario, de l’histoire, est son atout majeur. Rebecca Zlotowski, scénariste confirmée depuis longtemps, est plus originale à l’écriture qu’à la réalisation. Mais elle fait partie des premières de la classe, et arrive même, élégance des grands, à masquer le travail sous une belle réussite consensuelle, une réussite très féminine pour un sujet qui ne l’est pas moins.