Le Conseil Économique, Social et Environnemental Régional a rendu le 9 mai 2022 un rapport sur les violences de genre. Mais pour lutter efficacement contre ces violences, il faut connaître leur ampleur et surtout avoir des données locales, qui font aujourd’hui défaut. Rencontre avec le binôme qui travaille sur cette question au sein de cette assemblée consultative.
Par Sophie Deschamps
C’est un duo de choc qui au sein du CESER s’empare du sujet hautement sensible des violences conjugales : Fatim Labib, rapporteure aux droits des femmes et à l’égalité et Cédric Courbarien, chargé de mission qualité de vie, égalité et solidarité avec la remise du rapport Genre et Violences : faits divers ou fait de société ? le 9 mai dernier en séance plénière.
Une remise en cause institutionnelle
Toutefois, cette réflexion si elle n’est pas nouvelle au sein du CESER a nécessité une remise en cause de l’institution comme le rappelle tout d’abord Fatim Labib : « Depuis une dizaine d’années, le CESER a fait un important travail autour des questions de genre et de l’égalité. Mais c’était toujours à destination des partenaires institutionnels, associatifs des politiques publiques. Donc, à un moment donné la question s’est posée de savoir comment le CESER traitait ces sujets en interne. Une réflexion qui a conduit notre assemblée à modifier en 2018 son règlement intérieur pour y inscrire la parité noir sur blanc dans la gouvernance globale. C’était le premier palier indispensable pour un véritable engagement du CESER sur ces questions. »
Concernant les violences faites aux femmes, c’est le confinement qui a incité ce groupe de travail de douze personnes oeuvrant sur l’égalité à mettre l’accent sur les violences conjugales : « C’est un sujet complexe et comme je l’ai dit à la séance plénière du CESER nous, conseillères et conseillers, ne sommes pas des sociologues ni des experts des sujets mais nous avons tout de même la chance de pouvoir regarder les sujets avec une vision très large. »
Une réflexion nourrie également par le Grenelle des violences conjugales mis en place en 2019 pour accélérer la lutte contre ce fléau indique Cédric Courbarien : « Ce Grenelle avait fait médiatiquement pas mal de bruit avec un gros train de mesures annoncés. Notre idée était de voir concrètement ce qu’il pouvait produire dans notre région. »
Pour la rédaction de ce rapport, le groupe de travail du CESER a donc d’abord procédé à une vingtaine d’auditions. Auprès des responsables régionaux concerné·e·s par cette question mais aussi bien sûr auprès des personnes concernées, soit trois femmes victimes de ces violences et deux hommes agresseurs : « Pour les auteurs explique Cédric Courbarien comme c’était un peu compliqué d’avoir des témoignages en direct on s’est servi de la série de six émissions “Les hommes violents” de France-Culture. C’était précieux pour comprendre les mécanismes de ces violences car il faut bien comprendre qu’elles sont le produit de notre société et non des crimes passionnels individuels donc excusables et rangés encore à tort parfois dans la rubrique des faits divers. »
Pas de données précises pour notre Région
Mais quand ce groupe de travail a voulu s’appuyer sur des données régionales pour étayer ce rapport, Fatim Labib s’est aperçue qu’elles n’existaient pas : « On a très vite été frustrés car il était très difficile d’avoir une photographie de la situation afin de produire des analyses et pointer les manques d’un territoire donné. »
Par ailleurs les institutions nationales rechignent à donner leurs chiffres comme le déplore Cédric Courbarien : « Les chiffres du Ministère de la Justice sont impossibles à obtenir alors qu’ils ont les moyens aujourd’hui de les donner région par région. Donc si nous voulons avoir des politiques publiques pertinentes, il faut que l’on connaisse le problème et que l’on ait le diagnostic. »
D’où la préconisation (voir encadré) de créer un observatoire territorial des violences faites aux femmes comme il en existe déjà un en Île-de-France, en Aquitaine et dans les Pays de Loire. Et Fatim Labib tape du poing sur la table : « Pour nous, il n’est pas question de commencer à bricoler avec les chiffres ou de donner des ressentis “il paraît que…” on ne veut pas. Et un observatoire ce n’est pas une banque de données mais une observation durable, continue, analysée au service des acteurs. Donc Il faut arrêter le bla-bla et aller directement à des préconisations opérationnelles. »
Il reste à présent à convaincre la Région Centre-Val de Loire et l’État de financer cet observatoire dont la mise en place est estimée par le CESER à environ 20.000 euros.