La Compagnie « le Nez au milieu du village », tel est son nom, basée à Orléans, présentait à la Scala Provence, deux pièces. L’une, « Etienne A. », qui nous transporte à Saran, du côté des entrepôts Amazon et de la ligne d’aérotrain, est un seul en scène avec Nicolas Schmitt. MagCentre l’a rencontré.
Par Bernard Thinat
Nicolas Schmitt a été permanent au théâtre de la Tête Noire de 2016 à 2017 dans le cadre du Jeune théâtre en Région Centre, et a bénéficié d’une « carte blanche Pierre Desproges » avec de nombreuses actions en territoire. Depuis, il intervient à la maison d’arrêt de Saran dans un stage de clowns ainsi qu’au collège d’Artenay. C’est en 2018 qu’il crée sa Compagnie dont le nom évoque le projet qui le motive particulièrement, être au cœur d’un territoire afin de proposer des projets artistiques à celles et ceux dont on dit qu’ils « sont éloignés de l’offre culturelle ». L’année prochaine, il se propose de reprendre ce spectacle, « Etienne A. » avec une école de Chevilly et le collège d’Artenay, deux ville et village traversés par la ligne d’aérotrain.
Etienne A. – Photo La Scala
MagCentre : Comment êtes-vous venu à mettre en scène Amazon et l’aérotrain, relation peu banale ?
NS : Avec Florian Pâque l’auteur et metteur en scène, l’objectif de la Compagnie a été de mettre en parallèle l’échec industriel qu’a représenté l’aérotrain et ce qu’aurait pu devenir la ville d’Orléans, à 15 minutes de Paris, comparé à la soi-disante réussite de l’entrepôt Amazon à Saran, avec le théâtre de la Tête Noire situé à mi-distance entre la ligne d’aérotrain et Amazon. De plus, un employé d’Amazon marche environ 18 km par jour, ce qui est exactement la longueur de la ligne d’aérotrain. L’idée, ce fut qu’Etienne se rende compte qu’il parcourt chaque jour la longueur du rail qui constitue pour lui, une ligne de fuite vers l’horizon comme une possible rampe de lancement vers un ailleurs.
Présenté un peu comme un conte (de Noël car l’histoire se déroule au moment des fêtes de fin d’année), la pièce met en scène un ouvrier qu’on présente comme un « invisible » et lui donne la parole. Tout ce que la pièce raconte sur Amazon, précise Nicolas Schmitt est sourcé au travers d’enquêtes journalistiques et de témoignages. Une dizaine de personnages interviennent dans l’histoire « d’Etienne A. », tous interprétés par l’acteur seul en scène, devant des piles de cartons qu’il doit ranger méthodiquement.
Nicolas Schmitt interprète une seconde pièce en Avignon (la 1ère les jours pairs, la seconde les jours impairs), « Sisyphes », créée récemment à la maison Mosaïque de St Jean de Braye où vivent des gens en précarité, à l’issue d’une résidence au cours de laquelle des ateliers d’écriture ont été proposés aux habitants. « Sisyphes », c’est une suite d’histoires qui montrent que chacun a un rocher plus ou moins lourd à porter. Ici, Nicolas Schmitt joue un livreur Deliveroo, son sac étant son rocher à porter, de course en course, sans savoir quand cela s’arrêtera. (avec sur scène Loelia Salvador et Florian Pâque).
Sisyphes – Photo Xavier Cantat – La Scala
Deux belles réalisations qui font le plein de spectateurs, et qui inventorient le monde du travail précaire, ces « nouvelles professions » dont on sait que les salariés ont de dures conditions de travail, un minimum de droits et un salaire qui leur permet juste de quoi vivre. Deux pièces qu’il serait bien de voir programmées dans la métropole orléanaise !
PS : La Scala Provence est un nouveau complexe théâtral ouvert cette année en Avignon, petite sœur de la Scala parisienne. Sa programmation est assez éclectique. L’avenir dira comment le concept évoluera.