La pyramide de Levroux ne succédera pas au crottin de Chavignol

Sélectionnée pour le titre « Le village préféré des Français », la commune de Levroux, et sa spécialité crémière, ne rejoindra pas le piton sancerrois au palmarès de l’émission de France 3. En milieu de semaine, Bergheim, charmante commune du Haut-Rhin, a été déclarée vainqueure à l’issue d’un vote national. Les Berrichons n’en feront certainement pas un fromage… même de chèvre.

Par Fabrice Simoes

A l’ombre de la collégiale Saint-Sylvain, le berger couché du pacifiste sculpteur Ernest Nivet, impassible, immuable, mâchouille son brin d’herbe du Berry. Sur son socle, au bout de la pelouse, il attend en toute quiétude que ça se passe, depuis plusieurs générations. A quelques encablures de là, devant la maison aux pans de bois (fin du XVe siècle), celle où Ferdinand VII d’Espagne aurait fait une halte avant de rejoindre sa prison dorée de Valençay, en 1808, un grand écran masque désormais, pour la soirée, l’entrée du salon de coiffure. Sur la place, tables et chaises ont été installées. La rue Nationale est fermée : deux tentes canopy font office de barrières et de manèges carrés à la fois. Ici, face aux images qui défilent, on attend, on mange des frites et des saucisses.

En ce mercredi, à Levroux, c’est soir d’annonce du verdict, celui de l’émission « Le village préféré des Français » sur France 3. Au dehors, comme en dedans des maisons de la ville, tout le monde, des élus au simple quidam, s’est mis en mode France télévision. Comme des personnages de Becket qui attendraient Godot, c’est toute la ville qui papote et attend. Sans stress de l’attente, le Berrichon est par trop cartésien. On sait d’où l’on vient. On sait où l’on va.  S’il mange du pâté de pâques c’est que c’est un plat complet et que les œufs, le cochon, tout ça, on connaît sur ce territoire-là. S’il mange des bûches et des pyramides, c’est qu’on a des chèvres et pi pas pu.

Alors, la consécration d’un deuxième terroir berrichon deux années de suite, on n’y croit pas trop. Le maire lui aussi avait annoncé clairement la couleur quelques jours avant le dénouement. Il n’envisageait pas plus que ça de recevoir le trophée 2022. « Même si je reste lucide sur le résultat au regard des autres villages proposés cette année, je me réjouis de l’incroyable chance d’avoir été sélectionné », expliquait-il alors et d’estimer que « cette émission va être un vecteur d’attractivité incroyable pour faire venir des visiteurs… »

Ode aux territoire ruraux

C’est que, tandis que sous couvert de maintien du pouvoir d’achat, s’annonce la fin de la redevance télé et de son indépendance, la télévision publique fait la part belle aux campagnes, celle du Berry comme celle d’Alsace, celle de l’Indre comme celle du Haut-Rhin. Dans quelques années, si la pub et les patrons de chaînes le permettent, ou le décident, peut-être que Cyril Hanouna sera aux commandes en lieu et place de Stéphan Bern. Ça serait tellement plus classe. Peut-être aussi que l’émission ne durera que le temps d’atteindre la disparition du service public.

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Au fil des reportages, les villages ont défilé, le classement aussi et Levroux n’a pas été choisi… On a pensé à Sancerre, au piton, aux crottins, et aux vignobles. Les richesses du territoire, ces particularités, la porte de Champagne, les savoir-faire ancestraux du cuir et du parchemin, son château, ses fromages de chieuves, son pâté de Pâques – pas avec de la chair à saucisse mais de la chair mélangée – même en été, n’ont pas été suffisants pour faire basculer les votes. Peut-être que la « vendange tardive » de Valençay ça fait un peu trop loin. Peut-être… Levroux a finalement été classé 10e village sur les 14 en lice. Les premiers seront Alsaciens pour cette année. Alors qu’à Bergheim, dans la salle des fêtes, ils ont sauté de joie, sur la place Ernest-Nivet on se dit que pour la 10e édition c’était ou premier ou dixième sinon ça vaut pas.

Comme Godot qui ne vient pas mais devrait venir demain, Levroux n’est donc pas le village préféré des Français 2022. Il pourra toujours l’être demain… Quoique, dixième, ce n’est déjà pas si mal !