Invité par le Cercle des Amis de l’Abbé Grégoire le 20 juin dernier, Jean-Marie Séronie, agroéconomiste indépendant, président de Champs d’Avenir et membre de l’Académie d’agriculture de France a livré une vision positive de l’agriculture dans le contexte de guerre en Ukraine.
Par Jean-Luc Vezon
Intitulé “L’Europe doit-elle revoir ses choix agricoles ?” la conférence a permis à l’ancien Ingénieur à la DDAF du Loiret de faire quelques mises au points : « Ce qui se passe sur les marchés des céréales, ce n’est pas que la guerre en Ukraine. La hausse avait commencé dès 2020 avec les achats massifs de blé et le sur-stockage de la Chine ».
Alors que 40 % du potentiel céréalier se trouve à l’est de l’Ukraine, c’est-à-dire à proximité des zones de conflit, « l’arme alimentaire » est aux mains des Russes. Minée, la mer noire ne permet plus l’exportation des céréales « du grenier à blé » de l’Europe. « 20 millions de tonnes d’orge et de maïs sont bloqués à Odessa. Elles sont expédiés par train depuis Constantza en Roumanie mais c’est compliqué » assure l’économiste.
Il anticipe un prix du blé qui restera élevé. D’ailleurs, les marchés à terme 2023 et 2024 le valorisent aux environs de 300 € la tonne. Même si la récolte 2022 s’annonce bonne, les perspectives sont incertaines. « Les fléaux de la faim et la malnutrition reviennent. 30,4 % de la population mondiale et 59,6 % des Africains connaissent une insécurité alimentaire modérée à grave. Elle est également en forte hausse en Amérique latine » constate Jean-Marie Séronie. Rappelons que l’Ukraine et la Russie assurent le tiers des exportations mondiales de céréales. (1)
L’Union européenne à l’heure du Green deal
Jean-Marie Séronie a longuement caractérisée l’agriculture européenne qui ambitionne la neutralité carbone en 2050. Réduction des intrants, basculement vers les protéines végétales, diminution des gaspillages, nouvelles production plus variées, révolution du microbiote des graines … les politiques agricoles connaissent une mutation portée par les préoccupations de santé et d’environnement des habitants.
Pour une production alimentaire durable, l’UE s’est donnée pour objectif d’atteindre 25 % des terres en agriculture bio (8 % aujourd’hui) et de réduire de 50 % les pesticides chimiques. Avec la baisse de la démographie et ce nouveau cadre, la production agricole devrait baisser dans les années à venir ce qui pose la question des nouveaux usages des terres. Production d’agrocarburants, de chanvre, de plantes pour les méthaniseurs … il existe des possibilités.
« L’avenir réside dans une agriculture plus naturelle, non chimique. Elle ne sera pas forcément 100 % bio, le recours à la chimie restant possible en situation extrême. Ce ne sera pas non plus l’agriculture de nos grands-parents, les nouvelles technologies apportant un appui précieux. Ce sera finalement une agriculture beaucoup moins consommatrice d’intrants et beaucoup plus intensive en connaissances » a conclu le conférencier convaincu que l’agriculture est promise à un bel avenir. Mais attention, cependant, le marché ne réglera pas seul la transition écologique. « Nous avons besoin de l’intervention publique » a ajouté l’administrateur d’Agridées, un think tank agricole.
(1) L’Ukraine, seule, fournit 45 % des besoins de la Tunisie, 25 % de ceux de l’Egypte.