Le poète Eugène Guillevic fut un ami de longue date de Gérard Audax. Ce dernier lui rend un vibrant hommage avec sa complice Marie-Christine Barrault, en proposant au public un texte d’une beauté étourdissante, entourés du violoniste Guillaume Dettmar, sur une mise en scène très réussie d’Aurélie Audax. C’était au théâtre d’Orléans.
Par Bernard Thinat
Spectacle créé au festival d’Avignon en 2021, « De rocs et d’écume », après un passage à Fay aux Loges en mai dernier, a enchanté le public, la Mairie d’Orléans ayant gracieusement proposé la salle Vitez du théâtre. Curieusement, certaines communes de la Métropole loirétaine ne semblent guère attirées par la poésie de l’écrivain breton. Enfin, passons !
A droite, Aurélie Audax pour la mise en scène – Photo B.T.
Faire revivre Guillevic
Deux chaises, une table avec quelques couverts, un escalier menant à une sorte de promontoire, tel celui surplombant la mer, voilà le décor ,qui va permettre aux deux complices de toujours de nous faire revivre Guillevic, poète de la mer et de la terre bretonne, disparu en 1997, au travers de ses mots que « le poète force à se placer dans le poème de manière à bien ajuster la pensée et l’émotion » « Quand tu rentres le soir du travail harassant, et que des mots t’accueillent qui te donnent du temps. ». De sa jeunesse avec un père gendarme dans une cité du nord, « C’était terriblement Militaire ! », « Nous étions pauvres ! ».
Et tous deux de se mettre à rêver : « Suppose que l’univers entier ne soit plus que terreur et que je te demande d’user de tes regards pour qu’au moins la prairie cède à notre sourire… » Et de songer à l’école : « Les filles, on y pensait beaucoup… A l’époque, les mœurs étaient telles qu’on n’envisageait pas que garçons et filles puissent jouer ensemble. C’étaient vraiment deux humanités séparées… »
Retour aux mots, « je me les murmure, me les marmonne… Ils sont pour moi des êtres vivants, des sortes d’animaux pleins de plumes, de piquants, de poils. J’aime vivre avec eux … » Et de poétiser sur le code civil, « la langue des proverbes limée par les générations ». De rêver encore « Suppose que la lune apparaisse quand nous ne voulons pas et que je te demande de tout accepter d’elle pour qu’elle aille sa route et nous laisse à nous-même… ».
Enfin de philosopher : « Et dire que l’on s’interroge sur le rôle des poètes dans la société ?!… Si le pays continue à ne pas entendre ses poètes, à quoi notre langue en sera-t-elle réduite dans quelques décennies ? Un blabla délavé ! »
Eugène Guillevic
Dans une partie de ping-pong de mots, tous deux jonglent,échangent, jouent avec les vers du poète, aidés en cela par Guillaume Detmar et son violon qui fait chanter les oiseaux ou déferler les vagues sur le sable. C’est beau, et l’on se prend nous aussi, public, à rêver d’une société où chacun poétiserait sur les réseaux sociaux, entre voisins, automobilistes, sur le lieu de travail, au sein du couple, ce serait infiniment plus poétique.
La salle Vitez, copieusement garnie, fait un triomphe à nos poètes des mots et des notes.
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