Scéne nationale d’Orléans : Cairns et Totems jouent contemporain radical

L’ensemble Cairn, bien connu à Orléans puisqu’il y est déjà venu plusieurs fois depuis 2014, a partagé la scène jeudi soir avec l’ensemble canadien Totem contemporain.

Par Bernard Cassat

Un orgue de sirènes. Photo Ensemble Cairn

Tout un programme que cette alliance des deux groupes. Programme qui comportait trois pièces écrites spécialement pour cet ensemble. Petit public qui, sur le plateau Barrault, a entouré les musiciens. Et leurs drôles d’instruments. Deux tables de Babel, plates-formes construites par le Totem qui ressemble à des éléphants et qui fonctionnent grâce à de l’air compressé. Des peaux de latex tendues sur des sortes de saladiers ou branchées sur une gouttière, un pipe comme ils disent en anglais, et qui émettent des sons continus modulés par le débit d’air et la pression sur la peau. Sons de garage, de gonflements et de dégonflements, qui peuvent aussi être très pointus, amusants comme des baudruches lachées dans l’air. Et puis un orgue de sirènes, ces gros avertisseurs qu’affectionnent les camionneurs américains, branchés eux aussi sur le compresseur. Le son est profond, le débit de l’air modulant la puissance. Il peut donc être très fort. Les trois Cairns, percus, guitare et clarinettes, apportaient des sons plus humains.

Trois pièces commandées par Cairn

Un première pièce de Jester Nordin faisait monter la pression jusqu’au tonnerre, puis celle d’Emilie Girard-Charest confinait les bruits dans des échanges plus que subtils. Samuel Sighicelli avait quant à lui écrit pour le groupe une pièce plus équilibrée. Car ces trois pièces étaient des commandes. Comment en effet un compositeur peut-il écrire pour des instruments aussi bizarres et uniques ? Mais l’écriture musicale contemporaine est aussi éloignée de la classique que la musique entendue. De plus, le résultat très déboussolant pour les non initiés cherche autre chose que l’émotion. Ces bruits divers, qui ont chacun leur particularité, donc leurs évocations, donc leur puissance – ou leur faiblesse – narrative ou émotionnelle, deviennent de la musique parce qu’ils sont ordonnés par le compositeur et joués par des chevronnés. La différence entre les bruits d’un garage et ceux de jeudi soir se trouve bien sur dans l’intention et dans l’organisation de tous ces bruits. Il n’en reste pas moins que cette musique est extrêmement difficile. Par quel biais rentrer dans ces agencements sonores et leur trouver un sens, un intérêt ? Des portes sont ouvertes, mais le plaisir auditif, au fond très léger, ne pousse pas à s’accrocher. Il n’y a plus vraiment de beau, ni de laid, bien sûr, il n’y a plus d’émotion, il peut y avoir amusement, réflexion, mais pas entrainement vers un univers musical. Cette musique ne transporte pas. Sans mélodie, sans rythme établi, sans beauté du son, on est perdu en regrettant de ne pas entendre un chemin à parcourir.

 

Une table de Babel. Photo Ensemble Cairn

Ensemble Cairn
Guitare électrique Christelle Séry
Percussions Sylvain Lemêtre
Clarinette Ayumi Mori
Direction Guillaume Bourgogne
Régie générale Thomas Leblanc

Totem contemporain
Duo de tables de Babel Jean-François Laporte, Francis Leduc
Orgue de sirènes Emilie Girard-Charest

Créations de
Samuel Sighicelli
Emilie Girard-Charest
Jasper Nordin

 

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