« Ce que je recherche pour ma nouvelle carte, c’est mettre en avant tous les producteurs de la région »
A l’issue de la dégustation, nous sommes allés à la rencontre d’un des jurés professionnels, Catherine Delacoute, cheffe du Lancelot, à Chilleurs-aux-Bois. Cette passionnée a fait ses armes à La Crémaillère et à La Poutrière, restaurants étoilés d’Orléans, et a reçu en 2012 les insignes de Chevalier de l’ordre national du mérite. Ravie d’avoir participé à cet événement, elle nous livre ses impression et sa vision du métier.
Propos recueillis par Elodie Cerqueira
Aujourd’hui, huit plats ont été présentés, qu’en avez-vous pensé ?
Catherine Delacoute : J’ai découvert un beau travail avec une bonne réflexion d’assemblage. Les produits ont bien été mis en valeur et j’ai beaucoup apprécié chaque plat. J’ai été très surprise par certains légumes travaillés, certaines saveurs amenées, l’assemblage de saveurs différentes, avec beaucoup de recherche de textures.
Vous dites avoir été surprise. Avez-vous découvert de nouvelles choses ?
C.D. : Oui ! Et je vais essayer de les travailler. Mais j’aimerais bien savoir comment ils ont fait avant ! (rires). Notamment, la carotte en gelée, bien assaisonnée, bien assemblée, bien au palais. Puis il y a eu toutes les asperges sous toutes les formes. Ils ont amené le fromage de chèvre aussi en glace, en salade ou encore en mousse. Chaque personne a travaillé ces produits de façon complètement différente et subtile.
La plus grosse difficulté de ce défi résidait-elle dans l’approvisionnement des produits locaux ?
C.D. : Avant le Covid, j’aurais dit oui mais depuis la pandémie, c’est beaucoup plus facile de se procurer des produits locaux. Chaque personne a développé son entreprise autrement, de façon à ce que le particulier n’ait plus besoin de se déplacer loin de chez lui pour se nourrir. On a retrouvé beaucoup plus d’entreprises de petite production.
Souhaiteriez-vous voir ce type d’initiative se déployer sur tout le territoire français ?
C.D. : Ce serait extraordinaire ! Car en ce moment, c’est ce qu’on cherche. Pour ma part, ce que je recherche pour ma nouvelle carte, c’est mettre en avant tous les producteurs de la région, le seul souci est d’être approvisionnés par eux et pas nous qui allions les chercher mais c’est difficile du fait des problèmes de personnel et de trajet. Depuis la Covid, nos cartes proposent beaucoup plus de produits parce que tout le monde a cherché à se développer et à vendre autrement. Une tendance qui va s’installer, l’habitude est prise. Et là, le “Menu Signature Loiret” tombe bien, c’est la continuité du changement qui vient de s’opérer. Cela ne peut que marcher ! Pour moi, quelque chose vient de se passer et je les félicite tous pour ça ! Je suis venue sans vraiment savoir où j’allais mais je suis très agréablement surprise.
Ce “Menu signature Loiret”, pourriez-vous le proposer au Lancelot ?
C.D. : Ah oui ! Ils ont fait l’effort de le créer, je peux faire l’effort de le proposer. J’essaierais de le faire aussi bien qu’eux !
Vous les feriez venir dans vos cuisines pour réaliser leur plat ?
C.D. : Pourquoi pas, cela peut être un challenge de les faire venir pour nous montrer comment ils font. Les mettre en valeur pour donner envie de revenir à des métiers aujourd’hui boudés…
Pourquoi boudés ?
C.D. : C’est simplement qu’on met trop en avant les contraintes, alors qu’il y en a partout. Il y a tant de belles choses dans ce métier, c’est un plaisir de l’exercer !
C’est toujours un métier passion ?
C.D. : Si on fait ce métier là c’est qu’on est passionné, sinon on ne le fait pas. Les jeunes sont passionnés aujourd’hui mais demain… Je leur souhaite mais je n’en suis pas sûre. Cela dépend aussi des médias, qui font la pluie et le beau temps de notre profession. J’essaie de gérer mon entreprise autrement, pour motiver mon équipe à être dans le jeu, dans le plaisir et que ce ne soit plus un stress. Et amener du jeu dans le boulot, c’est pas gagner !
Cheffe depuis 26 ans, vous avez vu le métier évoluer…
C.D. : En effet, il faut sans arrêt se remettre en question et de plus en plus vite. Aujourd’hui, si on veut atteindre le client, il faut toujours amener de la nouveauté. Il faut se comporter complètement différemment, il faut être beaucoup plus cool. On n’a plus le droit de commander de la même manière. Ce matin, tout s’est passé dans le calme, il fut un temps où ça aurait crié fort !